Publié initialement dans le numéro 61 de L’Envolée.
Répression et coup de com a Mayotte
Cet été, à plusieurs reprises, les syndicats de maton ont saisi l’occasion du mouvements collectifs de prisonnier.es pour revendiquer toujours plus de sanctions et de transfert disciplinaire en déplorant parfois le prétendu laxisme des directions. Mais ils tombent tous d’accord pour faire de la surpopulation la cause de leur dégradations de leurs conditions de travail. Leur solution : encore plus de prisons, et encore plus de matons !
A Mayotte, la taule de Majicavo compte 650 prisonniers pour 278 places ; ils sont jusqu’à cinq dans des cellules de 13 m² prévues pour deux, et plus de la moitié dorment sur des matelas par terre. C’est pourtant loin d’être une vieille prison, elle a été ouverte en… 2014. Elle aurait « vieilli prématurément « – peut-être ; mais ils ont surtout pas mis longtemps à la remplir !
Le 28 septembre, des dizaines de prisonniers du centre de détention ont récupéré les clefs des cellules et pris un maton en otage pendant quelques heures à la fin de la promenade. Faute d’Eris, on a envoyé le GIGN pour mater tout le monde. Les jours suivants, les matons ont fait usage de leur droit de retrait, estimant que leur sécurité n’était pas assurée. Le ministère a rapidement pris quelques mesures, comme l’envoi en renfort de onze surveillants de la Réunion et d’équipes d’Éris venus de métropole pour maintenir le calme dans la prison.
Le 7 octobre, coup de com: après vingt-sept années de bons et loyaux services dans la pénitentiaire, le directeur de la taule de Majicavo fait l’annonce surprise de sa démission. « Le cœur lourd», il dit vouloir protester contre la surpopulation carcérale et les délais de la construction d’une seconde prison sur l’île. Peuchère ! Émotion chez les syndicats et dans la presse: un maton déclare que ce geste a « choqué tout le monde » ; un autre parle « d’un acte fort, héroique ». Tout le monde est réconcilié !
Suite à la mutinerie, les matons réclamaient le transfert de deux cents prisonniers hors de Mayotte. Vingt- sept ont d’abord été envoyés dans les taules du Port et de Saint-Denis, à la Réunion. Trois autres prisonniers ont été transférés dans l’Hexagone. Le 14 novembre, dix prisonniers, accusés d’avoir participé au mouvement collectif, ont été condamnés à des peines de 18 mois à 3 ans de prison par le tribunal de Mamoudzou. Sans surprise, de nombreux matons « choqués » s’étaient portés partie civile. L’administration pénitentiaire a assuré aux syndicats que les prisonniers seraient transférés en métropole – à des milliers de kilomètres de leurs proches, comme les déporté-es kanak !