Trouvée sur Indymedia Nantes, le 05/04/2025.
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Avec l’arrivée du mois d’avril se termine la trêve hivernale, laissant place à la chasse aux squats. Le mois de mars s’est quant à lui clôturé par une journée de la visibilité trans. Pour l’occasion, les ONGs, associations, partis de gauche et autres entités moroses ont abondé de slogans vides de sens comme “Trans Rights Are Human Rights” ou “#ProtectTransKids“. Des mots d’ordre à la vacuité alarmante quand on voit à quelle vitesse la haine anti-trans se propage partout dans la société. Que peut la visibilité contre la domination transphobe de l’Etat, ses taules et ses flics ?
trumpisme transphobe, éradication trans
Dès son retour au pouvoir en janvier 2025, aux États-Unis, Trump a signé plusieurs décrets administratifs pour effacer toute existence trans au niveau fédéral : l’interdiction de toute transition en dessous de l’âge de 19 ans, la suppression de budget aux hôpitaux qui proposent des opérations liées à la transition, la restriction de l’accès et de changements aux documents d’identité fédéraux, la suppression de toute évocation de la transidentité dans les programmes scolaires… Il n’en est qu’au début. L’oabjectif affiché est purement génocidaire : Trump et l’État fasciste américain à tous les niveaux visent à l’éradication de toute vie trans, à instaurer un pays où il n’y a que deux sexes – et où on n’en change pas !
L’une des mesures particulièrement violentes est le (re)transfert massif de tous-tes les prisonnier-es trans dans des prisons de leur assignation de naissance. Si ce placement n’est pas nouveau, cette systématisation consiste en un véritable acte de torture et de mort sociale – d’autant plus dans un pays où les prisons sont si mortelles et violentes. L’explicite perfidie est complètement illustrée par le cas du prisonnier anarchiste Marius Mason : premier prisonnier trans américain à avoir arraché à l’administration pénitentiaire un transfert vers une prison pour hommes, il a aussi obtenu après une décennie de luttes d’utiliser son prénom et de changer son état civil, d’obtenir hormones et opérations. Lui aussi vient d’être transféré – très probablement suite aux décrets Trump – vers une prison pour femmes, laissant planer le doute sur les opérations qu’il avait de prévues.
Ce mois-ci aussi, l‘état du Texas a retiré les papiers de toutes les personnes trans y vivant, ou en tout cas de celles dont l’état est au courant de la transidentité. De façon plus concrète : les documents d’identité sont confisqués et les jugements de tribunaux, notamment pour des changements à l’état civil, sont annulés. L’administration en charge refuse désormais de remplacer ou refaire les papiers d’identité de toutes ces personnes, ce qui pose des problèmes dans tous les aspects de leur vie : prêts, comptes en banque, logement, travail…
Depuis plusieurs années déjà, le procureur général et le gouverneur du Texas tentent de constituer des listes de personnes trans. En 2022, une tentative avait débuté pour lister toute personne ayant effectué un changement de sexe sur son permis de conduire, et diverses autres licences. Cette année, le bureau du procureur s’est mis à lister toute personne qui faisait une demande liée à un changement de sexe à l’état civil, que ce soit un changement se faisant vraiment ou une simple demande d’information. La dernière attaque vise donc à rendre illégale l’existence trans en rendant sans-papier chaque personne trans, les transformant en cible pour l’État policier ou les forçant a renoncer à tout type de transition.
Depuis la (re)prise de pouvoir de Trump, l’agence gouvernementale anti-immigration ICE est remobilisée en force, elle arrête, enferme et expulse à tours de bras. La menace est donc particulièrement réelle au moment où cette agence purement fasciste traque des personnes sans-papier dans les écoles, mobilise patrons et collègues de travail pour les dénoncer, supprime systématiquement les visas des étudiant-es pro-palestinien, déporte massivement les personnes étrangères enfermées dans les taules, etc.
Les personnes trans sans-papier sont déjà largement ciblées par les flics et ICE, courant parfois des risques mortels du fait de leur transidentité dans le pays où on les déporte. Il ne fait aucun doute, dans ce pays où les mouvements anti-trans sont fortement mobilisés depuis des années, que milices comme agences gouvernementales fascistes ne pourront s’en donner qu’à coeur joie de traquer toute personne trans aux papiers ainsi supprimés.
les rêves transphobes de la droite
Les fascistes de France ne rêvent pas de mieux : Darmanin, Retailleau et leurs flics mènent une véritable chasse aux sans-papiers, les poursuivant dans les rues et les écoles. Darmanin a récemment introduit une circulaire pour demander le transfert en CRA et la déportation de personnes étrangères actuellement en prison, durcit les conditions d’obtention de l’asile et des papiers à travers divers lois racistes successives. Dans une loi récente, il réintroduit des doubles peines racistes tandis qu’une autre loi vient de passer au Sénat pour augmenter le temps maximal de détention en CRA à plus de 200 jours (contre une quarantaine actuellement).
La situation des prisonnier-es trans visibles et identifiables dans les taules françaises n’est guère plus joyeuse : l’État transphobe les enferme régulièrement dans des taules de leur assignation de naissance sans accès aux hormones et soins nécessaires, ou les envoie dans des ailes adaptées (comprendre, isolées de tout-e autre prisonnier-e) dans quelques prisons souvent à des centaines de kilomètre de chez elleux et de leurs proches. C’est soit la torture de la privation de toute transition, soit la torture de la mort sociale. Dans les deux cas, l’isolement règne – comme si celui de la taule n’était pas suffisamment horrible.
être visible, c’est être vulnérable
Les attaques anti-trans, qu’elles viennent de l’État fasciste ou directement des fachos de rue, portent toujours en elles la même logique genocidaire. Celle-ci s’appuie toujours sur une même stratégie : nous rendre visibles pour nous rendre vulnérables. Nos papiers font de nous des cibles incorporées dans des bases de données qui rendent la répression toujours plus simple. C’est cette visibilité, pourtant tant réclamée par les associations de défense des droits, qui permet aux flics de nous traquer. Les galères pour transitionner, les marqueurs du genre sur nos corps et visages, les failles de nos passings ou notre refus de rentrer dans le rang de l’hétérosexualité sont d’autant plus de vulnérabilités aux yeux de l’ordre cis. C’est cette visibilité dans notre chair qui permet aux fachos de nous lyncher, aux transphobes de nous agresser, aux allié-es bienveillant-es de nous exclure.
La carte d’identité assume pleinement sa mission malsaine : nous identifier, c’est à dire nous imposer une identité pour mieux nous contrôler.
refuser l’état et son identité
Ce n’est pas un hasard si identification et identité partagent la même racine. L’état civil n’est rien d’autre qu’une invention administrative de l’État policier pour nous classifier et nous surveiller. Ils nous rangent dans leurs petites cases afin de mieux nous retrouver, que ce soit pour nous contrôler ou nous éradiquer. Nous jouons au même jeu lorsque nous revendiquons une identité intelligible en ses termes, que nous nous identifions dans le langage et les catégories de l’État. Nous tombons dans leur jeu quand nous nous abandonnons à leurs démarches administratives, légales et médicales – aussi nécessaires soit elles, et c’est bien là qu’est leur attrait – plutôt que de voyager dans les marges et la clandestinité entre les identités et identifications. Le cauchemar du genre est avant tout administratif et légal, s’en défaire implique donc de s’en évader.
Les attaques du fascisme suprémaciste blanc et cis aux États-Unis ne consistent pas une simple “perte de droits [civils]”. Nous n’avons jamais eu ni gagné aucun droit. Ceux-ci ont toujours été et demeurent une pure invention de l’État démocratique-policier pour nous pacifier et nous assimiler. Les ridicules miettes obtenues ces dernières décennies ne sont rien de plus qu’une recatégorisation du criminel au citoyen, d’un emprisonnement dans une identité qui ne désire rien d’autre que l’inclusion à la Démocratie et à l’État. La vitesse à laquelle ces droits sont retirés illustrent bien qu’ils n’ont jamais été acquis, et ne pourront jamais l’être. La vaine conquête des droits sociaux et de l’acceptation par la société, objectifs ultimes de la visibilité, ne seront jamais rien d’autre qu’un sursis dans lequel il faudra se débattre éternellement pour préserver le cauchemar.
Les droit accordés gracieusement par l’Etat n’auront jamais d’autre finalité que de nous assimiler pour mieux nous faire disparaitre. En fin de compte, soit l’on est emprisonné-e ou tué-e, soit l’on disparait absorbé-es par la machine normative. On commence alors à saisir l’ampleur de l’inefficacité des luttes pour les droits. Des militant-es de toutes les luttes se sont engouffré-es dans la même impasse qui consiste à vouloir embrasser l’Etat et son contrôle plutôt qu’à le déborder. Les slogans crient “j’existe !“, “je suis légitime“, mais murmurent “assimilez-nous ! faites de nous des citoyen-nes comme les autres !”
On constate avec dépit que même violenté-es, même réprimé-es par l’Etat, certain-es gardent toujours le réflexe de l’appeler à l’aide et de lui implorer une légitimité qu’il est seul à distribuer, voire une relative accalmie dans sa violence.
arracher notre autonomie à leur société
Si l’on désire garantir un accès aux transitions, on ne pourra jamais s’en remettre à l’Etat ni à ses institutions : seule l’auto-organisation autonome peut nous le garantir. On ne peut rien attendre de l’industrie pharmaceutique ni de l’ordre médical, il faudra d’ailleurs bien les abattre un jour. Si l’on veut garantir de pouvoir accéder à des hormones – et du reste – sans risquer de se les faire confisquer par le Papa-Etat ou par le déclin de la société industrielle, on ne peut que compter sur notre propre autoproduction et diffusion, des savoirs comme des produits et comme de leur usage. Aucun savoir médical ni scientifique ne pourra jamais remplacer notre propre savoir de nos corps, de nos désirs, de nos transitions, construit à travers des générations à subvertir le genre et son contrôle des corps.
Si l’on veut que les enfants trans puissent transitionner, ce n’est pas de protection paternaliste et adulte dont iels ont besoin, mais bien de la destruction totale de tout ce qui limite leur autonomie et capacité à disposer d’elleux-mêmes : Parents, Famille, Ecole, Police, Etat. De même, on ne peut compter sur aucun Etat pour pouvoir faire des enfants, avorter, se soigner, se loger… et définitivement pas pour l’arrêt des discriminations. Terme purement judiciaire s’il en est, le seul moyen de faire face à la transphobie, à l’homophobie, au sexisme et au racisme est bien de mettre feu à toutes leurs institutions et relais, et d’instaurer la peur dans tous ceux qui oseraient s’en prendre à nous.
La seule avancée réelle, c’est celle qui détruira toutes les lois, effacera toutes les frontières, abattra tous les Etats, éliminera toute propriété, nous débarrassera de tout travail, annihilera tout organisme policier. Le reste, les réformes et les droits, n’est qu’un aménagement de peine de notre vie dans la prison du genre et de sa société.
transition
Quant à la visibilité, ce n’est rien d’autre que l’identification par l’ennemi. C’est la possibilité pour l’État policier de savoir qui on est, qui l’on a été et où l’on vit. C’est la possibilité pour l’État carcéral de nous torturer et prendre le contrôle sur nos corps, dernier recoin de soi en taule. C’est la possibilité pour l’École et la Famille de nous contrôler, de nous façonner, de nous nier jusqu’au meurtre par suicide. C’est la possibilité pour la Médecine et la Psychiatrie de garder tout contrôle sur nos vérités, sur ce que l’on peut être et ce que l’on peut faire de nos corps. C’est la possibilité pour les transphobes de nous reconnaître et nous retrouver dans la rue, pour nous insulter, nous tabasser, nous violer, nous assassiner.
Indépendamment de toute notion de visibilité trans, nous nous reconnaissons entre nous. Nous nous reconnaissons dans nos façons d’exister et nos façons de nous mouvoir. Nous nous reconnaissons dans nos désirs partagés. Nous nous reconnaissons dans nos pratiques et nos défiances communes. Nous nous retrouvons dans des espaces complices, loin de l’Oeil cishétéro et de son régime de surveillance.
invisibles et ingouvernables
Nous nous reconnaissons dans les regards complices lorsque nous brouillons nos identités sous le masque et la multitude encapuchée du black bloc. Nous nous reconnaissons dans les éclats de verre, dans le vacarme du genre qui se fissure sous les yeux des keufs qui ne peuvent plus nous dissocier. Nous nous reconnaissons dans les lettres crachées à la bombe sur leurs murs et leurs vitrines. Nous nous reconnaissons, aveuglé-es par leurs gaz et attaques, dans les réflexes de solidarité, de protection et d’inquiétude pour les un-es les autres. Nous nous reconnaissons lorsque nous protégeons, d’un parapluie, d’un coup direct ou d’une menace aboyée, les corps et visages les un-es des autres de toute identification par les dispositifs de capture des flics et de leur suppléant-es journalistes ou militant-es.
S’ils veulent nous rendre invisibles et nous renvoyer au placard, embrassons le chaos de l’anonymat, dissimulant toute identité derrière l’émeute ingouvernable.
Contre la proposition de se rendre visibles et intelligibles aux autorités cisexuelles, que ce soit pour s’assimiler à leur société ou en être éradiqué-e, nous pouvons emprunter une autre voie. Nous pouvons nous engouffrer dans la nuit, armé-es de marteaux et de brise-vitres, de bombes de peinture et de pince coupantes, de colle et de glue, d’allumes-feu et de combustibles, de mortiers et de barricades. Nous pouvons nous mouvoir, invisibles et inconnu-es, à l’identité et l’apparence toujours fluctuantes. Nous pouvons traverser les villes et les campagnes sans jamais être repéré-es ou identifié-es, cibler tous les dispositifs qui nous capturent, surveillent, identifient, assimilent et assassinent.
Si l’on considère sérieusement la proposition d’une journée trans de la vengeance si souvent opposée à la visibilité, la seule voie qui s’offre à nous est celle de la criminalité complice et diffuse, d’une marginalité embrassée et embrasée, de la clandestinité et de l’association de malfaiteur-es. C’est l’action directe, le sabotage, l’incendie, le pillage, le vol, le squat, le tabassage vengeur, l’émeute. C’est l’attaque continue, insurrectionnelle et anarchique. C’est l’amour trans forgé dans la complicité et l’intimité du groupe affinitaire. C’est l’amour trans envers tous-tes nos soeurs et frères assassiné-es, violé-es, suicidé-es et meurtri-es.
Les coupables, nous les connaissons. Ce sont la taule et ses matons, l’État et ses flics, la justice et ses juges, l’école et ses profs, le travail et les patrons, la famille et les parents, les psy et les médecins, les transphobes et les homophobes, les racistes et les antisémites, les violeurs et les transmisogynes, les fachos et leurs milices, les lois et ceux qui les écrivent et votent (même quand ils sont antifas !), les partis de gauche comme ceux de droite, les frontières et les colons, les médias et leurs journalistes, la guerre et ses propagandistes, les putophobes et les abolos, la propriété privée et ses proprios, la société industrielle et sa technologie, les hétéroflics et les cis plus allié-es bienveillant-es que complices. Tous doivent être reconsidérés comme des cibles.
On ne pourra faire le deuil de tous-tes nos mort-es qu’en foutant le feu à la civilisation qui nous tue, et à tous les rouages qui la font tourner. Ce monde ne subsistera que par notre éradication – ou notre synonyme assimilation, il nous incombe de le détruire avant.
Le T de LGBTI+ est pour terrorisme. Ou, comme dirait notre chère stern : « C’est un communiqué terroriste. On assiste à l’apparition d’un terrorisme trans. »
– des terroristes trans