Après une semaine de calme relatif, pendant laquelle les autorités ont procédé à des arrestations massives (plus de 10 000 personnes auraient été arrêtées au 2 août) tandis que les manifestations étaient en pause, celles-ci ont repris progressivement, d’abord à une intensité et échelle plus réduites, puis en reprenant une tournure davantage émeutière en cette fin de semaine. Quelques informations extraites de la presse et des réseaux sociaux. [Pour un retour sur les précédentes semaines, on peut lire Sur la révolte en cours au Bangladesh et [Bangladesh] Quelques nouvelles et chiffres sur la révolte… ]
Lors des manifestations du 2 août, au moins deux personnes ont été tuées et des centaines de blessées. A Khulna, la foule qui manifestait devant une station de police a été pris en chasse par des policiers à bord d’un blindé, faisant 50 blessé.e.s chez les manifestant.e.s, dont 17 qui ont dû être hospitalisé.e.s. En réponse, celleux-ci ont battu à mort l’un des policiers (et blessé 3 autres). Ce même jour, des affrontements ont eu lieu à Dacca, Habiganj, Gazipur, Sylhet, Khulna et Lakshmipur, où les policiers ont continué à s’associer aux fascistes et cadres de la Ligue Awami (le parti au pouvoir), parfois eux-aussi armés de machettes, d’armes à feu, ou n’hésitant pas à foncer dans la foule à l’aide de véhicules.
Comme cela avait pu être le cas lors des premiers jours de la révolte, à la suite d’affrontements massifs dans les manifestations du 3 août, les manifestant.e.s ont pu mettre la police en fuite dans les rues de Dacca, allant même jusqu’à les poursuivre à Gazipur. Des sources policières affirment que les ordres parlaient d’un déploiement défensif, tandis qu’un ordre de retrait a été donné suite à l’observation de rassemblements massifs. La police a été forcée de se limiter à défendre leurs commissariats et d’autres installations clés qui pourraient être ciblées par les manifestations. Des affrontements ont eu lieu à Gazipur, Comilla, Sylhet, Faridpur, Sakhipur, Jamalpur, Naogaon, Bogra ou Chittagong. Dans cette dernière ville, les manifestant.e.s ont aussi attaqué le domicile du ministre de l’Éducation, tandis que le commissariat et un véhicule de police ont été incendié à Sreepur, ou que la maison du porte-parole de la Ligue Awami a été recouverte de graffitis. Les manifestant.e.s ont aussi pris le contrôle d’universités dans tout le pays, recouvrant leurs murs de nombreux tags anti-gouvernementaux.
La journée du dimanche 4 août a été l’une des plus meurtrières depuis le début des manifestations : on parle de plus d’une centaine de morts après des fusillades entre manifestant.es et forces de répression. Parmi ceux-ci, on compterait « au moins » 14 policiers tués (et 300 blessés !) et plus d’une dizaine de membres de la Ligue Awami (le parti au pouvoir) et des organisations affiliées (telles que la Ligue Chhatra ou la Ligue Jubo). Le gouvernement avait appelé ses militants à se rassembler ce dimanche, ce qui a donné lieu à de nombreux affrontements, qui ont notamment eu lieu à Bogra, Gazipur, Laxmipur, Uttara, Rangpur, Chittagong, Dacca…Entre autres attaques émeutières du dimanche 4 août, on pourra citer :
- de nombreuses attaques contre des postes de police dans au moins 11 districts : par exemple l’attaque et incendie du commissariat d’Enayetpur à Sirajganj (d’où proviennent la plupart des morts de policiers du dimanche, avec 13 policiers battus à mort) ; l’attaque et incendie du poste de police routier d’Eliotganj à Comilla, où un policier a été tabassé à mort (le quatorzième de la journée) et un véhicule de police incendié dans la foulée ; l’incendie du commissariat de Joypurhat Sadar à Joyphurat ; le vandalisme du commissariat en face du bureau de l’Inspecteur Général de la Police (policier le plus haut placé du pays, sous les ordres direct du gouvernement) ; la liste des commissariats attaqués dans la journée inclut aussi les commissariats de Jatrabari et Khilgaon (de la police métropolitaine de Dacca), le poste de police routier de Gorai à Tangail, le commissariat de Sherpur à Bogra, le commissariat de Dupachanchia ainsi que le bureau et la résidence d’un officier de police, le commissariat d’Ashuganj à Brahmanaria, le commissariat de Katwali, et les bureaux de surintendants de la police à Narayanganj, Bogra, Pabna et Sirajganj
- l’attaque d’un tribunal à Dacca pendant des affrontements aux alentours ; l’attaque de la voiture de 4 juges qui revenaient de la Cour Suprême ; ou encore l’incendie du domicile d’un des juges
- de nombreuses attaques contre les nombreux bureaux du parti au pouvoir, avec au moins 14 domiciles ou bureaux de ministres & leaders incendiés et au moins 20 bureaux de la Ligue Awami incendiés : l’incendie du bureau de la Ligue Awami dans le district de Thakurgaon ; de ceux de Khulna, de Rajshahi, de Faridpur et de Kishoreganj ; de celui de la Ligue Awami et de la Ligue Chhatra de Joyphurat, où un député a fini hospitalisé ; l’incendie du domicile du député, du bureau de la Ligue Awami du district et de celui de l’organisation des femmes de la ligue à Sirajganj ; l’incendie du domicile d’un député de la Ligue Awami à Rajganj ; l’incendie du domiciles de deux autres députés de la Ligue Awami et de celui d’un homme d’affaires lié au parti, accompagnés de l’incendie de deux camionnettes et de multiples motos de police à Dacca ; le tabassage à mort d’un membre de la Ligue Awami qui rentrait chez lui et a été pourchassé par des manifestant.e.s à Uttara ; l’incendie du siège d’une entreprise d’un député de la majorité ; l’attaque du domicile du ministre d’État chargé des ressources en eau, qui a aussi menée à la mort d’un dirigeant local de la Ligue Awami ; ou encore le vandalisme des motos du président de la Ligue Chhatra (après avoir mis en déroute les fascistes qui attaquaient les manifestations) à Pirojpur
- l’attaque de deux bureaux de journaux à coups de pavés à Dacca et au Banglamotor ; l’attaque du domicile et du bureau du représentant de la télévision privée Ekhan TV à Sirajganj ; l’incendie de nombreux bus devant l’université médicale BSMMU à Dacca ; plusieurs usines de textile auraient aussi été incendiées…
Dès la reprise massive des manifestations, les autorités ont de nouveau coupé ou limité les services d’internet mobile, ainsi que différents réseaux sociaux, et censuré les chaînes de télévision. Un nouveau couvre-feu a été annoncée dans la soirée du dimanche 4 août. Des avis divergents semblent émerger au sein de l’armée, avec son (ancien ? actuel ? cela varie d’une source à l’autre…) chef qui aurait déclaré suivre les ordres du gouvernement mais « refuser de tirer sur les manifestant.e.s » et « être du côté du peuple », tandis que certains généraux seraient plus loyaux à Hasina que d’autres, ce qui est davantage encore compliqué par la sympathie de nombreux officiers plus jeunes pour le mouvement (comme a pu être observé lorsque l’armée se serait mise en travers du chemin de la police et de la Ligue Awami lors des manifestations du dimanche, afin de protéger des manifestant.e.s). Bref, à prendre avec des pincettes, comme toute rumeur, espoir ou fantasme autour de l’armée dans une telle situation…
Dans le même temps, la revendication de démission de la Première Ministre Hasina semble avoir dépassé toutes les autres revendications précédemment présentes dans le mouvement. Le mouvement étudiant a appelé à une longue marche vers Dacca ce lundi 5 août, notamment pour converger vers le bureau de la Première Ministre et pour appeler à un soulèvement civil, tandis que l’un des coordinateurs du mouvement a déclaré que les manifestant.e.s étaient prêt.e.s à « prendre les armes » si les bâtons ne suffisaient pas. Comme toujours, force aux révolté.e.s, que la Première Ministre désigne comme « anarchistes », « agitateurs » ou « terroristes » !