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Retour sur la manifestation en soutien à Georges Abdallah, le 26 octobre devant la prison de Lannemezan.
Cette manifestation était comme à son habitude chapeautée par toute une pléthore de partis trotskistes, maoïstes, et autres sous-branches confuses du léninisme. On se propose ici de revenir sur ce drôle de spectacle.
Ces gauchistes, au mieux confus, au pire complètement idiots, qui vénèrent Georges Abdallah nous ont encore une fois fait la démonstration de leur piètre engagement révolutionnaire. Alors qu’ils font constamment l’éloge de la lutte armée dans leurs slogans, ils récusent tout usage de la violence – ou du moins prônent une marche pacificatrice et folklorique. Depuis au moins l’année dernière, des individu·e·s se servent de cet espace pour porter un discours anti-carcéral. Et ces individu·e·s, ne reconnaissant pas la légalité comme une forme de lutte fertile, décident à raison de faire valoir leur parole à travers des tags. On a alors pu les voir geindre au microphone dès les premiers instants de la manifestation pour condamner des pauvres tags (qui étaient d’ailleurs très jolis en vrai), puis suppléer bénévolement la police pour empêcher des manifestants de commettre d’autres « dégradations ». Les mots viennent à manquer pour qualifier ce lamentable spectable : c’est tout un argumentaire pacificateur qu’ils ont déroulé, à base de « Il faut que ça se passe bien« , de « on a déjà eu des problèmes l’année dernière« , et de « les slogans violents desservent notre cause« . D’autant qu’en plus de porter ce discours légaliste lamentable, iels n’ont pas pu s’empêcher de courir littéralement après ces « anarchoïdes » pour les arrêter et leur proférer leurs discours parternalistes et moralisateurs. Bizarre que des graffitis soient si problématiques pour des gens qui voient comme un héros ou un martyr un adepte de l’assassinat politique.
Même si le tag est loin d’être l’action la plus radicale qui existe, il est nécessaire de redécorer ces grands murs clairs et immaculés qui nous rappellent en permanence cette aberration que l’on appelle la « propriété privée ». Rapellons aussi qu’il en va de même avec les espaces dits « publics » qui ne sont que des représentations explicites de la domination de l’Etat. Aucun de ces espaces, qu’ils soient « privé » ou « public » ne mérite notre respect.
On retiendra aussi la mise en scène pathétique du service d’ordre, un manche à balai à la main (oui oui!), singeant une avant-garde révolutionnaire en délimitant le trajet de la manif pour éviter les sorties de parcours. On comprend mieux pourquoi il y a si peu de keufs lors de cette manif – pas besoin d’eux : les maos veillent au grain !
En tendant l’oreille, on remarque aussi avec stupeur la vacuité de leur position politique. Ces gens n’ont aucune « perspective révolutionnaire », aucun contenu théorique et encore moins d’action concrète : leur seule action politique notable est d’écrire des tracts interminables, toujours ponctués des mêmes mots-clés (prolétariat, impérialisme, révolutionnaire…) répétés ad nauseam. Tout ça avec pour seul objectif de recruter des membres, pour que celleux-ci en recrutent à leur tour. Le but commun de chacune de ces sectes reste bien l’autosubsistance. Elles cherchent à perpétuer leurs traditions et leur folklore « révolutionnaire » (chantons l’Internationale ! agitons un drapeau rouge !).
On notera aussi les habituelles sangsues maoïstes distribuant (ou vendant !) des dizaines de journaux médiocres et quasiment identiques. « Est-ce que vous avez entendu parler de La cause du peuple ? » Oui, malheureusement.
En fin de compte, la raison d’être de cette boue rougeâtre qui a inondé Lannemezan est purement promotionnelle : elle était là pour montrer qu’iels sont nombreux·euses, présent·e·s, déterminé·e·s…. Bref, chaque groupuscule veut montrer qu’il est plus attractif que les autres, parce qu’il a plus de drapeaux et une plus jolie banderole. On se rappelera avec effroi des Jeunesses Communistes qui, après leurs quelques photos de classe, se sont mises à chanter fièrement un affreux recueil de chansons communistes toutes plus kitsch les unes que les autres, tout ça pendant une bonne demie heure.
L’un des points communs de tous ces « partis de masse » reste leur discours consensuel et purement citoyenniste : il faut agir, par des moyens strictement légaux (tribunaux, marche, campagne de soutien…) pour demander (exiger, pour les plus radicaux) la libération d’un homme dont ils estiment l’incarcération illégitime. On peut les féliciter : ils réalisent l’exploit de faire preuve de moins de radicalité qu’Amnesty International. Ils n’ont finalement de « masse » que la lourdeur de leur discours dialecticiens bas de gamme.
Ce caractère molasson se ressent aussi dans les mots d’ordre de la « marche » : toutes les organisations, sans la moindre exception, se contentent de demander la libération de Georges Ibrahim Abdallah, arguant que son emprisonnement serait « illégal » ou « illégitime ». Comme si leur héros différait fondamentalement des autres prisonniers. Ils le placent ainsi sur un piédestal, et rejettent toute remise en cause globale du système carcéral. Quel naufrage que de se complaire dans un culte de l’innocence qui non seulement trahit l’engagement d’Abdallah mais cautionne la logique de l’état qui voudrait que les « coupables » méritent la prison. Il faudra peut-être rappeler à tous ces rigolos drapés de rouge que toustes les prisonnier·ère·s sont politiques et pas seulement leurs icônes. A les entendre, seule la libération d’Abdallah serait légitime car lui seul aurait défendu « une cause juste ». De cette façon, aucun de ces affreux doryphores ne semblent mesurer l’indécence de la situation : se retrouver devant une prison regroupant plus d’une centaine d’individu·e·s au milieu de slogans qui ne revendiquent la libération que d’un seul. A croire que l’incarcération des autres détenu·e·s serait légitime pour eux, ou du moins qu’iels ne méritent pas leur attention. On pourra à peine se contenter d’un mot pour les prisonniers Kanak et basques durant d’interminable prises de paroles qui ont déifiée Abdallah.
Cette position est abjecte, même pour ces bureaucrates qui nous ont habitué à leur médiocrité. Personne ne mérite d’être emprisonné. Toutes les peines sont indignes, et toutes les prisons méritent d’être détruites. Invoquer un statut de « prisonnier politique » pour son égérie revient à nier le caractère politique de tous les détenu·es. Le cas particulier de Georges Ibrahim Abdallah n’a aucune importance. Sa libération devrait autant nous préoccuper que celle de toutes les autres personnes incarcérées, que ce soit en prison, en CRA, en hopital psychiatrique, ou dans tous les autres lieux d’enfermement. L’évidence pour chacun·e d’entre nous devrait être de soutenir toutes celles et ceux qui s’opposent à l’état ou cherchent à lui nuire. Le système carcéral est l’apanage de l’Etat et des systèmes autoritaires quelles que soient leurs formes, et il est nécessaire de s’opposer à lui. Celleux qui remplissent ses geôles doivent être libéré·es et aucun·e·s ne méritent de finir dans ces cages. Oublier cet état de fait revient à promouvoir le statu quo – et justifier le contrôle de l’Etat.
Chacune des personnes incarcérées à Lannemezan s’est opposée, d’une façon ou d’une autre, à l’Etat. Et l’évidence pour chacun d’entre nous devrait être de soutenir tous ceux qui s’opposent à lui et qui cherchent à lui nuire.
Cette manifestation rituelle en soutien à Georges Ibrahim Abdallah a été, comme les années précedentes traversée d’idéologies creuses et accoucha, encore une fois, d’une manifestation toute aussi creuse. Des milliers de personnes défilant sans aucune conflictualité, sans avoir jamais pour ambition de nuire à l’état. Sans rien chercher d’autre qu’une autopromotion. Le maoïsme et ses ersatz – toutes les autres idéologies moribondes découlant du léninisme – sont des cadavres ambulants, persuadés d’être radicaux.
Il est alors nécessaire d’utiliser cet espace comme moyen d’expression de notre lutte contre l’Etat. Continuons de parasiter leur parade folklorique et d’infiltrer leurs cortèges. Continuons de repeindre Lannemezan de nos cris de révolte. Malgré vos keufs et vos menaces, nous refusons de rester silencieux·euses et nous continuerons de lutter contre toutes les formes d’enfermement.
Vive les émeutes carcérales et les évasions.
On ne sort pas de sa cage sans buter le geôlier.
– la CAGE (Coordination Anticarcérale Grave Enervée)