Reçu par mail, le 23/05/2025.
Le 22 mai 2025, à Washington, aux Etats-Unis, Elias Rodriguez a tué un couple d’employés de l’ambassade israélienne à l’arme à feu. L’une de ces employées avait rejoint l’ambassade de l’Etat génocidaire suite au 7 octobre, le second était un colon allemand qui allait s’installer en Israël. Elias Rodriguez a chanté des slogans pro-palestiniens lors de son arrestation par la flicaille américaine aux suites de son action, et a publié une revendication en ligne expliquant son acte. Celle-ci est traduite et reproduite ci-dessous.
Brochure en français : eliasrodriguez eliasrodriguez-conv
Brochure en anglais : Elias-Manifesto Elias-Manifesto-imposed
Explication
20 mai 2025
Halintar est un mot signifiant tonnerre ou foudre. Au lendemain d’un acte, les gens cherchent à en comprendre le sens. Ce texte est une tentative de l’expliciter. Les atrocités commises par Israël contre la Palestine défient toute possibilité de description comme de quantification. Généralement, on les regarde se dérouler en vidéo, parfois même en direct. Après quelques mois d’un décompte des morts en rapide augmentation, Israël a anéanti toute possibilité de continuer à compter les mort-es, ce qui lui sert bien pour perpétuer son génocide. Au moment d’écrire ces lignes, le Ministère de la santé de Gaza a enregistré 53 000 morts par traumatisme, au moins dix mille personnes coincées sous des débris, et qui sait combien de milliers de morts supplémentaires par des maladies évitables ou de faim – avec des dizaines de milliers de personnes désormais sous la menace imminente de famine à cause du blocus israélien permis par les complicités occidentales et des gouvernements arabes. Le bureau des informations de Gaza inclut les dix mille personnes sous les débris dans son propre compte des morts. Aux infos, on entend ce chiffre depuis des mois maintenant, qui n’augmente pas malgré la création de nouveaux débris, le bombardement répété des débris encore et encore, et le bombardement des tentes au milieu des débris. Comme le décompte des morts au Yémen avait été arrêté à quelques milliers pendant des années sous les bombardements saoudi-britanniques-américains avant d’être plus tard révélé être plus proche de 500 000, tous ces chiffres sont probablement très largement sous-estimés. Je crois facilement les estimations qui montent le décompte jusqu’à 100 000 ou plus. Davantage ont été assassiné-e-s depuis mars de cette année que durant les opérations « Bordure protectrice » [la guerre de Gaza de 2014] et « Plomb durci » [la guerre de Gaza de 2008-2009] à elles deux. Que dire de plus de la proportion d’enfants qui ont été mutilé-es et brûlé-es et explosé-es. Nous qui avons laissé tout cela se dérouler ne mériterons jamais le pardon des Palestinien-nes. Iels nous l’ont fait clairement savoir.
Une action armée n’est pas nécessairement une action militaire. Ce n’est généralement pas le cas. Souvent, c’est du théâtre et du spectacle, une qualité partagée avec de nombreuses actions non-armées. Les manifestations non-violentes dans les premières semaines du génocide semblaient signaler une sorte de tournant décisif. Jamais autant de politiciens américains n’avaient été forcés de reconnaître, au moins rhétoriquement, que les Palestinien-nes sont, elleux aussi, des être humains. Mais, pour l’instant, cette reconnaissance n’a pas mené à grand chose. Les Israélien-nes se vantent d’être surpris-es que les Américain-nes leur donnent carte blanche pour exterminer les Palestinien-nes. L’opinion publique s’est retournée contre l’État génocidaire d’apartheid, et le gouvernement américain l’a simplement ignorée, décidant de continuer sans son soutien, la criminalisant là où il peut, l’étouffant avec des promesses vides d’avoir fait le maximum pour restreindre Israël lorsqu’il ne peut pas simplement interdire toute manifestation. Aaron Bushnell et d’autres se sont sacrifié-es dans l’espoir de stopper les massacres. L’État nous fait croire que ces sacrifices sont vains, qu’il n’y a aucun espoir dans une quelconque escalade pour Gaza et qu’il n’y a aucun intérêt à leur faire la guerre ici. Nous ne pouvons pas le laisser réussir à nous convaincre. Leurs sacrifices n’ont pas été faits en vain.
Il faut alors que l’impunité que ressentent les représentants de notre gouvernement pour leur complicité avec ce massacre soit révélée comme illusoire. Cette impunité est la pire des choses pour celleux d’entre nous à proximité immédiate des génocidaires. Un chirurgien qui soignait des victimes du génocide des Mayas par l’État du Guatemala témoigne qu’il était en opération sur un patient gravement blessé pendant un massacre quand, soudain, des hommes armés sont entrés dans la pièce, ont fusillé le patient sur la table opératoire, rigolant pendant qu’ils le tuaient. Le médecin raconte que le pire de tout était de revoir les assassins, qu’il connaissait bien, se pavaner dans les rues du coin pendant des années.
Ailleurs, un homme avec une conscience a tenté de jeter Robert McNamara par-dessus bord d’un ferry à destination de Martha’s Vineyard, furieux de l’impunité et de l’arrogance du boucher du Vietnam qui riait avec ses amis à bord du ferry. Il avait un problème avec « la posture de McNamara, qui disait ‘Mon passé est sans problème, et je peux être accoudéau bar avec mon bon ami Ralph et tu ne peux rien y faire’. » L’homme n’a pas réussi à balancer McNamara dans l’eau, l’ancien secrétaire d’État réussissant à s’accrocher à la barrière et à remonter, mais il expliqua la valeur de la tentative en disant : « Je l’ai amené dehors, juste lui et moi, et, tout à coup, son histoire n’était plus sans problème, n’est-ce pas ? »
Un mot sur la moralité de la manifestation armée. Celleux d’entre nous opposé-es au génocide se satisfont de déclarer que les instigateurs et leurs complices ont abandonné leur humanité. J’adhère à ce point de vue et comprend son intérêt pour apaiser l’esprit qui refuse d’accepter les atrocités se déroulant sous ses yeux, mêmes médiées par un écran. L’inhumanité a cependant montré depuis longtemps qu’elle était terriblement commune et ordinaire, prosaïquement humaine. Un-e instigateur-e de génocide peut ainsi être un-e parent aimant-e, un-e enfant honnête, un-e ami-e généreux-se et charitable, un-e étrangèr-e aimable. Iel peut être parfois capable de force morale quand cela lui sert et même quand cela ne lui sert pas, et tout de même rester un monstre. Avoir de l’humanité n’empêche pas une personne d’être responsable de ses actes. Cette action aurait été moralement justifiée il y a 11 ans pendant Bordure protectrice, à l’époque où je suis personnellement devenu conscient de nos agissements brutaux en Palestine. Je pense que, pour la majorité des Americain-es, une telle action aurait été incompréhensible et aurait paru insensée. Je suis content qu’aujourd’hui il y ait de nombreux-ses américain-es pour qui cette action sera fortement compréhensible et, ironiquement, la seule chose sensée à faire.
Je vous aime Maman, Papa, petite soeur, le reste de ma famille, toi inclus-e O*****
Free Palestine
– Elias Rodriguez