A., un retenu de 27 ans, est mort dans la nuit du jeudi 17 au vendredi 18 octobre, au CRA 3 du Mesnil-Amelot. Cette personne avait des problèmes de santé et devait être emmenée à l’hôpital depuis une semaine, ce que les flics ont refusé de faire « faute d’escorte ».
Il s’est réveillé dans la nuit parce qu’il se sentait mal. Il crachait du sang. Il a prévenu son co-retenu qu’il ne parvenait plus à respirer. Les retenus ont appelé les flics pour qu’on lui porte secours : ils ont pressé le bouton d’urgence, tapé sur les grilles et crié. Malgré ça, les flics ont mis au moins 30 minutes avant de réagir.
Les retenus ont commencé un massage cardiaque à tour de rôle. Les flics, eux, ne voulaient pas ou ne savaient pas le faire. Lorsque les pompiers sont arrivés, il était trop tard. La personne était décédée. Un retenu raconte : « les flics sont venus ramasser le mec comme si c’était un pigeon mort, pour eux c’est normal. »
Le vendredi au matin, des retenus du CRA 3 sont parvenus à informer une sénatrice EELV en visite au CRA du décès de leur co-retenu, mais la plupart des journalistes qui accompagnaient l’élue n’ont même pas jugé utile de mentionner la mort de A. dans leurs papiers. Dans un des rares articles de presse qui l’évoque, les flics se sont en revanche immédiatement dédouanés de la responsabilité du décès, à travers la voix de leur syndicat de fachos Alliance. Quant à la sénatrice EELV, elle s’est même permis de souligner « le dévouement de l’équipe médicale« .
Ce décès intervient alors que plusieurs personnes ont évité la mort de peu pendant la même semaine au CRA 3. Dans les jours qui précédaient, deux retenus avaient tenté de mettre fin à leurs jours. L’un d’entre eux avait été sauvé in extremis par ses co-retenus. Le second a été placé en isolement dès son retour de l’hôpital. Dans la presse, le directeur du CRA 3 Fabrice Ancelot a qualifié ces tentatives de suicide de « simulacres », ne cachant pas, par ailleurs, qu’il maintenait à l’isolement depuis plusieurs jours un retenu ayant ingéré des lames.
Avoir du sang sur les mains ne semble pas effrayer ce professionnel de l’enfermement et de la torture, faut dire que lui et ses collègues ont dû en voir d’autres. Parce que oui, priver des gens de leur liberté, les couper de leurs proches, les exposer aux violences physiques et verbales des keufs du bas de l’échelle, les rendre témoins des expulsions et parfois des morts de leurs camarades, c’est de la torture.
Un autre prisonnier, diabétique, n’ayant pas reçu son insuline le soir (l’infirmerie avait fermé plus tôt que prévu et les flics ont refusé de rappeler le médecin) a fait un malaise dans la nuit et a finalement été emmené aux urgences.
Le droit de vie ou de mort sur les enfermés n’est pas le privilège des flics, le médical s’en régale aussi. Pendant qu’ils se congratulent à l’extérieur de faire de la « médecine de la précarité » avec un semblant de vernis humaniste, à l’intérieur du CRA les médecins savent bien que personne ne viendra leur reprocher les mauvais traitements qu’ils infligent et l’absence de considération qu’ils ont pour les vies des prisonnièr·es.
La même semaine et après qu’un retenu ait exprimé ses souffrances, le médecin du CRA de Vincennes disait aux journalistes : « J’ai un dicton : ce sont tous des menteurs jusqu’à preuve du contraire. »
En réaction à ces évènements, une grève de la faim a débuté le vendredi 18 octobre. Le soir, les retenus du CRA 3 ont refusé de rentrer dans les bâtiments dans lesquels ils sont enfermés la nuit, sans accès aux secours. Leur revendication était claire : l‘enfermement dans les blocs pour la nuit, sans accès à la cour ou circulation entre les bâtiments est en partie responsable de la mort de A. et pourrait en causer d’autres. Les prisonniers veulent pouvoir accéder à la cour et ne pas être maintenus à distance des flics qui ne se déplaceront que si l’agitation les dérange trop.
Les retenus sont restés dans la cour plusieurs heures, jusqu’à ce que des renforts de keufs en tenue anti-émeute se pointent, avec leurs matraques, leurs gazeuses et leurs chiens.
Les keufs du syndicat Alliance, encore eux, en ont profité pour poster sur les réseaux une vidéo du mouvement de révolte des retenus pour dire « ouin ouin on manque de moyens« , bien sûr sans parler du décès de A.
Malgré cela, les retenus du CRA 3 ont continué de s’opposer à la fermeture des cours extérieures les soirs suivants, parfois encouragés et soutenus par des feu d’artifices venant de l’extérieur.
Suite à quoi un retenu a été arrêté un matin : il était accusé d’avoir brisé une vitre ce soir-là et aurait été identifié sur les images de vidéosurveillance. Il a finalement été expulsé le 20 octobre.
L’enquête qui aurait été ouverte concernant la mort de A., a été confiée à… un OPJ du CRA.
En 2023 au moins 5 personnes sont mortes en centre de rétention.
Le 26 mai, au CRA de Vincennes, M. avait été retrouvé mort dans sa cellule, après avoir été tabassé par les flics et laissé sans soins plusieurs jours durant. Le 2 juillet, un retenu du CRA de Marseille est mort suite à un incendie. Le 21 août, S., retenu au CRA de Vincennes, est mort à l’hôpital suite à une tentative de suicide. Le 8 octobre, un retenu de Lyon est lui aussi décédé à l’hôpital suite à une tentative de suicide. En novembre, un autre retenu de Lyon s’est donné la mort.
Sans le témoignage de leurs co-retenus sur les circonstances de leur mort, nous n’en saurions rien. Combien d’autres sont morts dans le silence ?
Force aux prisonnièr·es en lutte sans qui seule la version des flics traverserait les murs.
Que crève la machine à enfermer et à tuer.
À tous ceux qui la pilotent et la font fonctionner,vous avez du sang sur les mains.
On ne vous oubliera pas.