Basé sur des extraits de Courant Alternatif et de dndf, et completé par la presse.
Sur l’insurrection au Bangladesh, on peut lire suite à Sur la révolte en cours au Bangladesh ; [Bangladesh] Quelques nouvelles et chiffres sur la révolte… ; [Bangladesh] Nouvelles flambées émeutières dans les manifestations anti-gouvernementales ; [Bangladesh] L’insurrection déstitue la Première Ministre… et ensuite ?
Contre-insurrection démocratique
Au lendemain de la fuite de la première ministre, l’armée a convié les responsables des partis non discrédités (PNB et Jamaat-e-Islami) à former un gouvernement provisoire. Muhammad Yunus est nommé conseiller principal de ce gouvernement intérimaire, à la tête d’une équipe composée de 17 personnes (bureaucrates, officiers militaires à la retraite, avocats, universitaires, 2 leaders étudiants…). Ce débouché, constituant une sorte « d’assainissement » de la démocratie représentative, ne peut que nous paraître décevant après l’agitation de l’été que d’aucuns qualifient de « révolution de juillet », mais comment s’en étonner ? Les revendications du début du mouvement étudiant étaient celles de personnes souhaitant leur intégration à la classe moyenne, quant à celles qui ont émergé plus tardivement, à savoir de « dégager » les chefs, ne peuvent conduire qu’à les remplacer par d’autres, soi-disant plus vertueux, et ne sont pas porteuses de perspectives émancipatrices.
Quant aux futures élections, les étudiant.es ont déclaré qu’i
Grèves, occupations et sabotages dans les usines
Si la colère des étudiant.es s’est assagie (celleux-là allant jusqu’à manifester pour demander l’interdiction de toute activité politique des étudiants, des professeurs et des syndicats sur le campus de l’Université de Dhaka – ce qui a été obtenu le 20 septembre), la combativité ouvrière, elle, n’est pas retombée. Comme quoi les travailleureuses ne se reposent pas sur les lauriers de ce gouvernement provisoire pour les défendre et entendent obtenir gain de cause par elleux-mêmes. Depuis la mi-août, un mouvement de grève traversant les différents secteurs secoue le cocotier de l’exploitation capitaliste.
Quelques exemples :
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- 13 août : 380 travailleureuses de Synovia Pharma PLC ont fait un sit-in pour obtenir… 31 mois d’arriérés de salaire.
- 14 août : des travailleureuses du textile au chômage ont bloqué des routes à Tongi, demandant du travail et l’égalité d’embauche entre hommes et femmes.
- 15 août : Anoxara Dress Makers Ltd. des travailleureuses ont occupé la route en face de leur usine pour demander le paiement d’arriérés de salaires. En même temps, des travailleureuses de la Opso Saline Ltd à Barishal ont cessé le travail et occupé leur usine pour demander une augmentation de salaire et le droit de s’associer syndicalement.
- 16 août : 3 000 travailleureuses du Coton, de la Naheed Cotton Mills Ltd. à Tangail ont occupé l’autoroute Dhaka-Tangail pour demander une augmentation de leurs salaires.
- 18 août : des travailleuses des technologies de l’information ont occupé la rue devant la résidence de Yunus pour demander la fonctionnarisation de leurs postes de travail. Elles font partie d’un programme qui facilite l’accès à ces métiers aux femmes des zones rurales. Toujours le 18 août, des centaines de travailleureuses de la sécurité des réseaux de chemin de fer ont envahi le bâtiment de leur administration : ils ont enfermé le reste de leurs collègues à l’intérieur, et ont formulé une demande en « un-point » : la fonctionnarisation de leurs postes de travail.
Au mois de septembre, la situation ne s’est pas apaisée. Grèves, occupations d’usines, blocages de route sont presque quotidiens…
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- 4 septembre : au moins 70 usines ont été fermés à Ashulia, bloquant de nombreuses autoroutes et affrontant d’autres travailleureuses devant des usines ouvertes. Une usine à Ashulia a été vandalisée après que les managers aient refusé de la fermer : vitres brisées, caméras détruites, un véhicule de transport endommagé… jusqu’à ce que l’usine soit fermée et les travailleureuses renvoyé.es chez eux. Une autre à Narsinghpur a aussi dû fermer après que ses minibus aient été vandalisés.
- 5 septembre : Après quatre jours de grèves et d’occupation, certaines usines de prêt-à-porter n’ont pas pu rouvrir en raison du comportement violent et destructeur des travailleureuses dans les usines de la ceinture industrielle d’Ashulia. Certain.es sont descendu.es sur des usines pour y détruire les machines en affrontant parfois d’autres travailleureuses, détruisant plus d’une centaine d’unités de production. Des centaines de milliers d’ouvrières/ouvriers avaient quitté les usines dans l’après-midi, dépassant les efforts de l’armée et de la police bangladaises, du bataillon d’action rapide (RAB) et des gardes-frontières bangladais (BGB) pour maintenir l’ordre. Des travailleureuses de certaines usines ont aussi bloqué l’autoroute Nabinagar-Chandra, blessant au passage 7 des flics qui ont tenté de les disperser. Les autorités ont par ailleurs annoncé la fermeture de 60 usines de Gazipur dans les derniers jours à cause des manifestations, occupations et vandalismes. 11 de ces usines ont été vandalisées, et deux pillées.
- 6 septembre : des travailleureuses ont incendié une usine de prêt-à-porter après l’avoir pillée. L’usine avait déjà été incendiée la semaine précédente.
- 8 septembre : des travailleureuses du prêt-à-porter ont bloqué une autoroute devant leur usine à Ashulia, après être allé chercher le comptable de l’usine. Des affrontements ont ensuite eu lieu avec l’armée et la police venus les disperser, vandalisant et tentant d’incendier un véhicule de la RAB (Rapid Action Battalion) et caillassant d’autres véhicules de l’armée.
- 10 septembre : des travailleureuses du secteur de l’industrie textile, ainsi que des travailleureuses viré.es (dismissed workers) et des chômeureuses ont organisé le blocage de grands axes routiers, demandant l’égalité d’embauche entre hommes et femmes. Le mouvement s’est étendu au secteur de la production pharmaceutique et alimentaire.
- 11 septembre : des travailleureuses d’une usine de prêt-à-porter ont incendié l’entrepôt où étaient stockés les produits, laissant brûler l’usine pendant 7 heures, attaquant les pompiers venus sur place et vandalisant l’un de leurs camions. Le syndicat des patrons du textile a déclaré que 129 usines du prêt-à-porter seraient fermées le lendemain, après que les travailleureuses soient descendu.es dans la rue pour demander de meilleures conditions de travail.
- 17 septembre : les infirmières à travers tout le pays ont manifesté afin de demander que l’ensemble des postes de direction du Conseil des infirmières et sages femmes soit occupés par des travailleuses de la profession et non par des bureaucrates (en réponse au choix du gouvernement intérimaire de maintenir un bureaucrate au poste de greffier). Toujours le 17 septembre, 31 usines de prêt-à-porter de la zone de Gazipur ont fermé en raison de manifestations de milliers de travailleureuses (dont 15 selon le régime patronal « pas de travail, pas de paie », défavorable aux ouvriers. Dans 4 d’entre elles, les travailleurs ont réussi à entrer tout en refusant le travail, ce qui est à priori plus favorable pour réclamer le paiement des salaires). Des travailleureuses de Veritas Pharmaceuticals Ltd. ont présenté une demande en « neuf points », dont l’augmentation des salaires.
- 30 septembre : Des travailleureuses ont bloqué à deux endroits l’autoroute Nabinagar-Chandra à Ashulia pendant plus de 24 heures, créant des bouchons de plusieurs kilomètres. Lors d’affrontements avec les flics venus les déloger, un travailleur de prêt-à-porter a été tué et des dizaines d’autres blessés, dont par balle.
La plupart des grèves, des actions de blocage de route ou d’usine semblent spontanées et ne pas émaner des directions syndicales. Chaque mouvement dans une usine semble émettre des revendications différentes, laissant comprendre qu’elles ne sont pas coordonnées, mais fonctionnent plutôt sur l’imitation des manifestations ayant lieu dans les autres usines. Il semble que ce soient en majorité des chômeureuses ou des travailleureuses viré.es de leurs usines qui soient à l’initiative de beaucoup des actions de sabotage ou d’occupations d’usines. De plus, il y a eu plusieurs cas où des travailleureuses ont attaqué et vandalisé des usines où les travailleureuses n’avaient pas voulu prendre part aux manifestations.
C’est une situation nouvelle en comparaison des précédents grands mouvements de grève, dont le mouvement massif de grèves dans le secteur du textile de l’automne 2023 pour l’augmentation des salaires, qui avait vu la fermeture de 600 usines de prêt-à-porter, l’incendie de certaines d’entre elles, des blocages de routes, mais dont l’organisation était très clairement assumée par le PNB… en amont des élections de Janvier 2024 (il militait dans le même temps pour l’instauration d’un gouvernement intérimaire pour la tenue des élections).
Là où on pouvait les attendre, certaines organisations syndicales [à noter que les syndicats au Bangladesh sont affiliés aux différents partis politiques] s’illustrent par le rôle de co-gestion de la crise et participent également à répandre l’idée que les ouvriers ne sont pas à l’origine des grèves, mais qu’elles sont dues à des éléments extérieurs à la classe ouvrière, exhortant les ouvriers à passer par elles pour entamer un « dialogue multilatéral » et les forces de l’ordre « à réprimer cette anarchie ». Les autorités ont averti que les manifestants qui ne travailleraient pas sur leurs machines seraient considérés comme des criminels et que les forces de l’ordre prendraient les mesures légales qui s’imposent.
Si les autorités pensaient avoir arrêté les mouvements dans les usines en répondant aux demandes, notamment avec des augmentations de salaire et une augmentation annuelle de 10% de promises, ceux-ci semblent persister.
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- Le 2 octobre, des travailleureuses ont bloqué une autoroute à Gazipur, attaquant des usines à proximité avec des briques et des pierres lorsque les travailleureuses n’ont pas voulu les rejoindre.
- Le 3 octobre, des travailleureuses ont occupé une autoroute à Dacca pendant 53 heures, quittant les lieux après l’obtention de négociations facilitées par l’armée et la police. Le même jour, l’occupation de travailleureuses sur une autoroute a perturbé le traffic et forcé la fermeture de 10 usines à proximité pour empêcher que le mouvement s’étende.
- Le 5 octobre, des travailleureuses ont bloqué une autoroute à Gazipur contre la non-tenue des promesses par la direction, poussant 17 usines proches à fermer pour éviter le vandalisme.
- Le 7 octobre, des travailleureuses du prêt-à-porter ont de nouveau occupé une même autoroute suite à des promesses faites par la direction la semaine précédente et non tenues.
De nombreux directeurs d’usine ont exprimé leur peur d’un retour des manifestations, craignant de ne pas pouvoir assurer les promesses faites par les autorités…
MàJ 04/11 : Publié sur stuut.info le 04/11/2024.
Deux travailleurs ont été abattus alors que les ouvriers du textile, au nombre de 5000, étaient descendus dans les rues à Dhaka jeudi 31 octobre pour exiger le paiement de leurs salaires, en réponse, les directions d’entreprises ont procédé à la fermeture de plusieurs usines. Les travailleurs ont affronté la police et l’armée, jetant des pierres et mettant le feu à deux véhicules des forces de l’ordre. Les tentatives de la police et des forces militaires de disperser la foule se sont heurtées à une résistance farouche. La police a eu recours aux matraques pour contrôler la foule, la situation s’est rapidement aggravée. Les forces de l’ordre ont tiré plusieurs coups de feu pour disperser les manifestants, blessant deux travailleurs âgés de 15 et 17 ans. Les blessés ont été emmenés à l’hôpital de Dhaka, 6 autres travailleurs ont été interpellés.