Initialement publié dans l’envolée le 06/08/2025
Paroles de l’intérieur contre tous les QHS modernes
La loi « narcotrafic » et les « narcoprisons » ultrasécurisées ouvertes par Darmanin et sa clique font régulièrement la une et émerveillent plus d’un journaliste…Eh oui, le ministre des tribunaux et des prisons drague passionnément l’extrême droite sur le dos des prisonniers et prisonnières, cibles des politiques démago-sécuritaires les plus brutales. Fin juillet, à l’ouverture du premier « quartier de lutte contre la criminalité organisée » (QLCO) à Vendin-le-Vieil, ces médias aux ordres n’ont évidemment donné la parole qu’aux gardiens – mi-héros, mi-martyrs –, et à de malheureux riverains qui ont peur – mais de quoi ? Alors qu’on entend qu’ici et là, des prisonniers se mobilisent contre leur sort dans les quartiers d’isolement (QI), de trop rares voix s’élèvent pour critiquer ces QLCO, régimes d’isolement poussé à l’extrême. Il est essentiel de faire entendre la voix des emmuré-es vivants et de leurs proches, qui ont toutes les raisons de flipper sur ce qui se profile – et de vouloir y résister.
Adoptée le 29 avril 2025 dans un effrayant consensus contre « les-grands-méchants-narcos-qui-nous-menacent-tous », la loi « narcotrafic » permet en fait une extension tous azimuts des pouvoirs de la police, de la justice et de l’administration pénitentiaire, et la poursuite de l’enfermement massif de la population. Elle satisfait les revendications des surveillants en limitant les extractions par la généralisation de la visioconférence en détention. Tant pis pour la nette dégradation des moyens de se défendre face à la justice ; ou même de se soigner. La vidéosurveillance par drone à l’intérieur des cellules est également prévue – en attendant la surveillance généralisée. La loi consolide aussi le statut de « collaborateur de justice » – anciennement « repenti » –, c’est-à-dire de poukave. Elle complique et rallonge les procédures de demande de mise en liberté (DML), alourdit la qualification de certains actes, comme l’« association de malfaiteurs » qui devient un crime, et crée de nouveaux délits, comme le « concours à une organisation criminelle ». Elle renforce la répression contre les rassemblements devant les établissements pénitentiaires.
Elle va dans le sens de l’allongement général des peines, notamment par l’augmentation des circonstances aggravantes et la réduction des possibilités de confusions de peines.
Dans les QLCO, les prisonniers seront surveillés quasiment en permanence, coupés du monde et privés de presque tout contact humain – très peu de parloirs, et toujours derrière un hygiaphone dont la vitre empêche tout contact physique avec les visiteurs qui, pour la plupart, auront déjà fait des centaines de kilomètres jusqu’à ces taules plantées au milieu de nulle part. Leurs appels téléphoniques seront réduits à quatre heures par semaine, et écoutés en permanence. Ils n’auront pas droit aux UVF, ces « unités de vie familiale » où il est possible de partager une relative intimité avec leurs proches. Ils ne pourront pas travailler dans la prison comme « auxi » pour subvenir à leurs besoins, ni voir le moindre brin d’herbe dans des « promenades » complètement bétonnées. Après chaque contact avec l’extérieur, ils subiront systématiquement le viol de leur intimité lors des fouilles à nu. Chaque prisonnier ne pourra en fréquenter que 2 à 4 autres, et sera encadré par des matons en nombre, surarmés et toujours mieux payés… Ce régime doit s’appliquer à des condamnés, mais aussi à des prisonniers en détention provisoire, qui peuvent y rester quatre ans – au bon vouloir du garde des sceaux. Le régime de torture blanche imposé depuis des années à Salah Abdeslam sans que cela suscite l’indignation des humanistes, mais aussi à Rédoine Faïd, victime de la vengeance de l’administration pénitentiaire depuis son évasion spectaculaire de Réau, va maintenant être étendu à des dizaines, puis des centaines de prisonniers. L’objectif est clairement de tenir toutes les détentions par la peur : qui va subir ce régime ? Jusqu’où ces mesures vont-elles s’étendre, et à qui ?
Cette politique pénitentiaire particulièrement agressive entend balayer tout ce que les prisonnier-es avaient acquis au fil des luttes. Dans les années 1960 et 1970, ils se sont massivement révoltés pour l’amélioration de leurs conditions de survie, pour un peu plus de sociabilité, puis contre les QHS (quartiers de haute sécurité) ancêtres des QLCO. Par une large médiatisation de leurs revendications, soutenus par une partie de la gauche, ces mouvements avaient obtenu la fermeture des QHS. Qu’à cela ne tienne : un coup de peinture, quelques barreaux en moins, et ce fut l’invention des QI (quartiers d’isolement), que les prisonnier-es n’ont cessé de dénoncer comme des lieux de torture blanche. L’Envolée relaie depuis les années 2000 la parole de prisonnier-es qui dénoncent toutes sortes d’extensions de l’isolement dans les détentions : par le mode de fonctionnement des prisons modernes, par l’instauration du régime « portes fermées » là où les cellules restaient auparavant ouvertes une partie de la journée, par l’instauration des QMC (quartier maison centrale) et des prisons de haute sécurité de Condé-sur-Sarthe et Vendin-le-vieil, déjà ouverts dans les années 2010 pour mater les prisonniers jugés récalcitrants… Face au déploiement de tant de régimes mortifères, c’est plus que jamais le moment de faire vivre la mémoire de ces luttes, de faire circuler la parole de ceux et celles qui les dénoncent et qui résistent.
Pensées, force, courage et détermination aux prisonnier-es et à leurs proches qui subissent ces régimes. N’hésitez pas à nous contacter et à prendre la parole !