Initialement publié sur Calla’s Newsletter le 11/12/2025
J’ai eu le grand honneur d’interviewer Sean « Shibby » Middlebrough, un humble révolutionnaire, l’un des 24 de Filton qui s’est échappé de la détention britannique et vit désormais dans la clandestinité. Nous avons eu une discussion riche sur son parcours politique, son cheminement vers l’action directe avec Palestine Action et l’avenir de la lutte anti-impérialiste au sein du cœur impérialiste.
Pour ceux qui ne le savent pas, Shibby a obtenu une libération provisoire sous caution pour assister au mariage de son frère, et il a (très logiquement) choisi de ne pas retourner en prison, où lui et ses camarades sont détenu.es dans des conditions horribles, sans procès ni caution, certains depuis plus d’un an.
Vous pouvez suivre Shibby sur Instagram (@shibbysig) et écouter son podcast, Diary Of A Political Prisoner.
Avant de lire l’interview, veuillez noter qu’aujourd’hui, 11 décembre, marque le 40e jour de la grève de la faim des prisonnier.es pour la Palestine [on peut retrouver des textes en français sur le sujet ici] 8 prisonnier.es sont en grève de la faim et 5 ont été hospitalisé.es jusqu’à présent, certain.es d’entre eux à plusieurs reprises. Leur vie est en jeu. Agissez pour soutenir leurs revendications.
Il y a également des appels urgents à l’action pour soutenir le prisonnier politique autochtone Xinachtli (¡Tierra y Libertad!), qui est victime d’une négligence médicale extrême dans les prisons du Texas. Consultez la page de son comité de soutien pour plus d’informations.
Qu’est-ce que ça fait d’être libre après avoir été enfermé pendant si longtemps ?
Je ne sais pas. Je ne suis pas libre. Vous n’êtes pas libre, et les lecteur.ices non plus. Nous ne serons libres que lorsque nous serons tous libéré.es de la dictature de la bourgeoisie.
De plus, je suis dans la clandestinité. Bien sûr, j’ai gagné plus de « libertés », comme celle de ne pas écouter les gardiens de prison crier et inciter à la bagarre, et mieux encore, j’ai gagné la liberté de sentir les éléments sur ma peau et d’assister au lever et au coucher du soleil, suivis de la vue spectaculaire de la lune et des étoiles que je n’avais pas vues depuis plus de 11 mois. Cependant, être en cavale a également considérablement limité beaucoup d’autres « libertés » dont je disposais même en tant que prisonnier, comme celle de pouvoir parler à mes ami.es et à ma famille. Je peux désormais assister au lever du soleil, mais je rate la croissance de mon propre fils.
Je suis bien sûr soulagé de ne plus être enfermé dans une boîte de 2,7 m sur 1,5 m pendant 23 heures par jour et d’être dans une position plus productive et plus expressive.
Il est honnête de ma part de ne pas donner l’impression que je sirote des piña coladas, les pieds sur la table. Je continue de lutter pour ma liberté.
Dans un article que j’ai récemment publié au sujet de la grève de la faim en cours, j’ai qualifié ton évasion d’« escalade qualitative et d’embarras considérable pour le tigre de papier qu’est le système pénal. Cela montre que la liberté de nos prisonnier.es est une possibilité tangible et démontre l’éventail des différentes tactiques auxquelles ils et elles peuvent recourir pour résister aux conditions de captivité par tous les moyens nécessaires. Notre devoir à l’extérieur n’est pas seulement de défendre les prisonnier.es sur le plan juridique, mais aussi de construire un berceau populaire de résistance, un mouvement clandestin. »
Tout comme la grève de la faim est un moyen de résister à la captivité, ta libération l’était aussi, lorsque tu t’es retrouvé dans les circonstances uniques qui l’ont rendue possible. Et bien sûr, il existe une longue histoire d’évasions de prison dans les mouvements de libération, qu’il s’agisse des évasions d’Assata ou de William Morales, qui participaient à des luttes armées de libération nationale en Amérique, des évasions emblématiques de l’IRA à Long Kesh dans le nord et à la prison de Mountjoy dans le sud, ou de l’évasion des prisonniers palestiniens de la prison de Gilboa grâce à l’opération Freedom Tunnel.
Comment penses tu que ta libération pourrait modifier l’équilibre des forces, ne serait-ce qu’en brisant l’image d’omnipotence des oppresseurs ? Et as-tu un message à partager avec les prisonnier.es politiques internationaux.les qui sont également emprisonné.es pour avoir participé à la lutte de libération palestinienne et à d’autres mouvements connexes ?
Oui, j’ai lu ton article et je l’aime beaucoup. Ta description des circonstances est correcte.
Tout d’abord, en ce qui concerne la création d’un « berceau de la résistance en clandestinité » et pour répondre à ta question, je pense qu’un rôle important de cette clandestinité est de faire, comme tu le dis, « voler en éclats l’image de toute-puissance » de nos oppresseurs en donnant des entretiens, en écrivant et en disant la vérité au pouvoir depuis une position où ils sont impuissants à faire quoi que ce soit !
Il est important que nous dénoncions la répression politique, les arrestations et les abus du système juridique (injustes) qui nous ont emprisonnés par un État qui vise à protéger les véritables auteurs de crimes tels que le génocide, le nettoyage ethnique, les crimes contre l’humanité. Israël est peut-être le mot qui vient à l’esprit des gens, mais en réalité, Israël n’est qu’un État fantoche de l’impérialisme occidental (britannico-américain). Par conséquent, attribuer tous les crimes commis contre les Palestinien.nes à Israël, par exemple, est littéralement le but d’un État fantoche, afin de donner l’impression que ces crimes sont autonomes, alors qu’en réalité, la responsabilité incombe en grande partie à la Grande-Bretagne et aux États-Unis, qui ont fondé cet État terroriste afin de déstabiliser le Moyen-Orient et de renverser plus facilement les régimes anti-occidentaux et d’exploiter leurs ressources.
Je ne dis pas cela pour faire la leçon, mais parce que pour briser leur narratif, il faut identifier clairement la nature des « oppresseurs », comme tu les appelles. Ce sont les impérialistes occidentaux.
Le colonialisme n’est qu’une méthode pour soumettre un peuple, une caractéristique qualitative de l’Impérialisme et pour l’impérialisme par l’intermédiaire de l’État fantoche qu’est Israël.
Si vous doutez encore que le Royaume-Uni et les États-Unis tirent les ficelles d’Israël, mais plutôt qu’Israël agit de manière indépendante, je vous suggère d’essayer de suivre ces ficelles. Elles vous mèneront aux usines d’armement aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Europe. Une fois que vous aurez fait cela, vous pourrez en fait manipuler physiquement ces ficelles depuis des endroits comme Elbit Systems, Rafael et Teledyne.
Vous pouvez interférer directement dans les campagnes (génocide) militaires d’Israël afin que les drones ne soient jamais déployés, que les chars et autres équipements militaires soient laissés incomplets à l’approche des délais où ils sont nécessaires au front, comme le fait Palestine Action depuis des années.
Si vous doutez encore qu’Israël ne soit pas simplement un État fantoche de l’impérialisme occidental, regardez ce qui se passe lorsque vous interférez à la source du monopole de la violence. Alors que les gouvernements européens et britanniques condamnent la stratégie de déplacement et d’effacement d’Israël, appelant à y mettre fin, ils arrêtent simultanément celles et ceux qui empêchent réellement le massacre. De plus, plus vous avez d’impact, plus ils vous répriment, comme dans mon cas avec les Filton 24, où ils sont même allés jusqu’à nous arrêter avec les porcs de l’antiterrorisme pour nous être opposés au terrorisme. Dans le cas de Palestine Action en général, je les ai vu.es devenir un groupe terroriste proscrit dans ma cellule de prison.
Le principal argument qu’ils ont avancé pour justifier cela est celui qui m’a été donné lors de mon séjour de trois jours au poste de police antiterroriste : un terroriste peut être quelqu’un qui « s’oppose à la politique étrangère britannique ».
Voilà.
Armer Israël, que l’on sait être un État ethnique terroriste qui déstabilise le Moyen-Orient et colonise la Palestine, est littéralement la politique étrangère britannique. C’est le cas depuis 1918.
Si ce n’était pas le cas, le procès Filton 24 ne serait pas qualifié de « lié au terrorisme ». Palestine Action ne serait pas interdit. Israël ne continuerait pas à bénéficier du soutien économique, militaire et diplomatique de l’Occident, malgré les condamnations publiques.
Tout ce qu’ils condamnent, c’est qu’Israël a été pris en flagrant délit à tant de reprises qu’il devrait peut-être revenir à un génocide lent. Tout était plus facile pour eux avant l’avènement des réseaux sociaux, à l’époque de la Nakba.
C’est le rôle des prisonnier.es qui sont aujourd’hui dans la clandestinité, de partager ce que nous avons appris et vécu. Il y a beaucoup d’autres tâches à accomplir, comme vous pouvez l’imaginer.
Nos oppresseurs sont les mêmes que dans la plupart des pays du monde : les impérialistes occidentaux. Ils sont plus proches de nous que des Palestinien.nes.
Dire simplement « Israël est mauvais » ne changera pas l’équilibre des forces. Une compréhension globale de l’impérialisme et une action anti-impérialiste le feront.
On peut gagner des batailles sans cela, mais il y aura toujours des batailles à mener tant qu’il y aura une guerre des classes.
J’implore tout le monde d’étudier, de comprendre l’ennemi et sa nature, de se consacrer à la libération. Je ne vois aucune raison plus urgente et plus importante pour les gens de commencer à résister que la cause palestinienne. Ils et elles sont entièrement victimes de l’impérialisme occidental, comme nous l’avons déjà évoqué.
Nous sommes la source de leurs souffrances continues tant que nous, les masses, sommes complices et ne faisons rien. Nous ne méritons pas la liberté tant que nous profitons du meurtre, de la misère et de l’exploitation des autres.
En ce qui concerne les messages aux prisonnier.es politiques internationaux.les pour la Palestine, euh… Tout ce que je pourrais dire serait certainement insuffisant, car aucun mot ne peut décrire mon admiration pour elles et eux et la fureur que j’éprouve pour leurs oppresseurs.
Je dirais plutôt : « Tu sais ce que tu as fait. Tu sais que c’était complètement dingue. Tu es incroyablement cool. Même s’il existe encore beaucoup de lâches et d’hypocrites qui n’ont pas ta conviction et ta sens du sacrifice, il y aura suffisamment de personnes qui seront inspirées par ton action et cellles de celleux qui t’ont précédé pour libérer la Palestine.
Le paysage politique international évolue chaque jour en faveur de la Palestine. Ce qui a été une histoire inadmissible deviendra un avenir meilleur. Je le sais pertinemment, car il existe des gens comme toi, camarade. »
Tu as affirmé que tu ne t’es pas « enfui » ni « mis en fuite », mais que tu es un prisonnier de guerre libéré, un prisonnier de guerre d’Israël en Grande-Bretagne. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce terme, « prisonnier de guerre », et pourquoi il est important de ne pas légitimer la criminalisation par l’État des luttes de libération ?
Israël n’a cessé de se plaindre auprès du ministère de l’Intérieur à Londres pendant de nombreuses années au sujet de ses usines qui étaient saccagées, contraintes de fermer pour la journée et même obligées, pour des raisons économiques, de fermer définitivement, si bien que finalement, le gouvernement britannique (probablement pour les faire taire) a décidé de sévir davantage contre les militant.es de Palestine Action.
Nous savons que l’ambassade israélienne a eu des réunions avec des responsables britanniques et que peu après, des arrestations ont eu lieu. Nous savons également que le ministère de l’Intérieur a demandé à la police de « se concentrer non pas sur les droits des manifestant.es, mais sur les entreprises », ce qui a conduit à l’arrestation massive de plus de 30 manifestant.es pacifiques, sans même un extincteur ou une masse à leur disposition, juste des banderoles, renonçant ainsi à nos droits légaux pour que leur bébé démoniaque, Israël, et Elbit Systems se sentent aimés.
Je sais que le ministère de l’Intérieur a dit cela à la police de Leicester parce que j’étais l’un des arrêté.es et que cela a été révélé au tribunal. Nous avons tous.tes été acquitté.es.
Donc, en ce qui concerne mon arrestation et celle de la plupart des 24 de Filton par la police antiterroriste, il est clair qu’Elbit Systems (Israël) était tellement perturbé et bouleversé par l’action légendaire menée sur son site de Filton qu’il a dû suggérer que l’arrestation des 6 personnes qui étaient entrées dans les locaux ne suffirait pas à le calmer et qu’il fallait procéder à d’autres arrestations. Je pense qu’ils ont laissé entendre que nous avions détruit leur lit alors qu’ils dormaient (en tant que bébé de la Grande-Bretagne) et que cela s’apparentait à du terrorisme. Il fallait donc procéder à davantage d’arrestations afin que personne ne tente à nouveau de détruire leurs usines, une fois pour toutes.
Je pense également qu’Israël voulait arrêter autant de personnes que possible, même avec des preuves circonstancielles, mais qu’il n’en avait pas le pouvoir. Il avait donc besoin de la police antiterroriste pour procéder à des arrestations que la police ordinaire n’aurait pas effectuées. En tant qu’enfant chéri de la Grande-Bretagne, Israël a obtenu ce qu’il voulait.
Je suis tout à fait convaincu, compte tenu de l’influence politique qu’ils ont exercée sur la police britannique dans le passé, comme en témoignent les documents judiciaires et les documents FOI, que l’opération « Re-comply » est influencée par les responsables israéliens.
Elbit est le plus grand fabricant d’armes d’Israël et il a encore une fois été complètement discrédité. Pourquoi n’exigeraient-ils pas des mesures antiterroristes plus sévères ?
Ainsi, après une longue histoire de victoires incroyables et d’actions sans précédent, en raison de notre politique et de notre histoire, nous avons été arrêté.es à la demande d’une entité étrangère dont la machine génocidaire risquait de s’effondrer dans son pays d’origine. Cela dit, Israël n’arrête pas les Palestinien.nes ou les combattant.es de la résistance avec la police ordinaire. Lorsque les Palestinien.nes sont « jugé.es », ils et elles comparaissent devant un tribunal militaire. Ils et elles sont considéré.es comme des prisonnier.es de guerre.
J’ai été emprisonné en tant que prisonnier de guerre par procuration en raison de l’ingérence israélienne auprès de la police antiterroriste. Un tribunal britannique avec la « connexion terroriste » comme facteur aggravant possible lors de la détermination de la peine serait le plus proche qu’ils pourraient obtenir pour me faire juger comme prisonnier de guerre avec une peine similaire (des décennies).
Peu importe qui nous arrête, nous affirmons toujours que ce n’est pas nous qui sommes coupables, mais Elbit Systems. Autrefois, le tribunal était au moins un lieu où nous avions la possibilité de les faire comparaître, mais cela est devenu plus difficile, car toutes nos défenses juridiques sont rejetées dès le début de la procédure. Cela ressemble encore une fois à un tribunal militaire. Malgré cela, nous savons que ces procès sont purement politiques et que l’histoire – le véritable procès – nous absoudra tous.
C’est pourquoi j’ai dit « Peace out » à la prison de Wandsworth, parce que je veux que les dirigeants d’Elbit Systems craignent que je ne sois pas en prison, mais que je sois (et c’est vrai) sous leur lit chaque nuit, prêt à les tirer par les chevilles vers les profondeurs de l’enfer où est leur place.
Avant ton incarcération illégitime, tu animé une émission de radio communiste intitulée Rev Lumpen Radio. Peux tu en dire plus sur ton passé politique et sur ce qui t’a conduit à considérer l’action directe comme la seule option possible ? J’ai l’impression d’avoir suivi un parcours similaire, ayant été impliqué dans des partis socialistes et des ONG, mais ayant finalement compris, grâce au déluge d’Al-Aqsa, que Pal Action était la seule formation capable de répondre à la situation actuelle en Occident en termes d’escalade pour résister au génocide.
C’est cool que tu me poses cette question. Revolutionary Lumpen Radio est le podcast le plus génial qui ait jamais existé. Je suis extrêmement et éternellement reconnaissant envers tous.tes mes invité.es et camarades que j’ai eu le privilège d’accueillir et dont j’ai pu apprendre beaucoup. Iels ont été extrêmement ouvert.es, honnêtes et instructif.ves sur tous les sujets que nous avons abordés ! Je remercie également mes auditeur.ices et mes soutiens. Merci.
Honnêtement, RLR a vu le jour parce que j’étais extrêmement insatisfait du manque de révolutionnaires marxistes organisé.es, militant.es et sincères au cœur de l’empire, le ventre de la bête, l’endroit le plus propice pour un.e révolutionnaire et pour apporter un changement internationaliste.
Je pense que mon habitude de fumer beaucoup d’herbe, de sniffer de la kétamine et de lire beaucoup de théorie révolutionnaire, malgré la nature sédative de ces substances, a vraiment encouragé ma productivité sur le front de l’agitation et de la propagande (en fait, je les vendais aussi, car j’essayais de radicaliser les dealers de drogue lumpen de ma ville, c’était une période folle).
Mais le podcast ne s’adressait pas aux libéraux, je l’ai fait en visant directement les marxistes impérialistes, afin de critiquer leurs méthodes (ou leur absence) et de les éduquer sur leurs devoirs réels en tant que marxistes, qui devraient être synonymes de révolutionnaires. Le devoir de tout.e révolutionnaire est de faire la révolution. Pas d’en parler. Pas seulement d’« éduquer » à ce sujet. De la faire.
Il y avait et il y a toujours énormément d’escrocs qui gagnent leur vie en parlant du marxisme et de la révolution, mais c’est tout ce qu’iels font, alors je leur ai aussi tiré.es dessus à plusieurs reprises. En fait, iels m’agaçaient manifestement davantage, surtout lorsque j’ai lancé un programme « Serve The People » (Servir le peuple) dans ma communauté grâce aux recettes de Revolutionary Lumpen Radio, pour nourrir les familles en difficulté dans le cadre de ce que j’appelais « Transformer la faim du capitalisme en faim de socialisme ». C’était l’objectif de mon programme STP.
Les gens (comme je le disais aux groupes communistes locaux) ne peuvent pas vraiment apprendre le marxisme s’ils et elles pensent à comment se nourrir.
Nous devons aller dans les communautés et servir le peuple ! Nous devons construire des bases au sein de la base et de la superstructure capitalistes, et à partir de ces bases révolutionnaires, nous aurons une superstructure révolutionnaire qui ne dépendra plus de la superstructure capitaliste et qui aura une culture socialiste. Les communistes locaux.les ont dit que c’était une perte d’argent et de temps. Ensuite, les fonds de mon podcast n’ont pas pu suivre et ont diminué, car j’ai publié moins de podcasts parce que je servais davantage le peuple. Je suis devenu furieux et mes habitudes ont changé.
Cela m’a fait souffrir, car les personnes de nos communautés qui avaient le plus besoin d’aide étaient le lumpen-prolétariat, que je voulais représenter. La classe défavorisée. La classe qui a remporté le plus de révolutions. On ne peut pas être ouvrier.e et s’engager dans la révolution, soyons honnêtes. Votre profession doit être celle de révolutionnaire professionnel.le, et non pas celle de guérillero à temps partiel et d’ouvrier.e d’usine le reste du temps. Maintenant, qui fume quoi ?
Les marxistes impérialistes considèrent le lumpenprolétariat comme une classe « arriérée » et « contre-révolutionnaire », alors que ce sont ces personnes qui ont le plus à gagner, le moins à perdre et qui sont généralement opprimées par la classe ouvrière en vertu de la même morale bourgeoise qui les considère comme la lie de la société. Mais je sais qu’il y a de l’espoir en eux, car j’ai une conscience de classe lumpen et mon petit orteil gauche est plus révolutionnaire que la plupart des autres.
Ne vous méprenez pas, j’ai été formé par un groupe communiste local, le FRFI, et je ne serais pas celui que je suis sans eux. Ils constituent évidemment un bon point de départ et j’aime bien sûr ces camarades. Mais je pense avoir été trop bien formé et/ou autodidacte, car les paroles de George Jackson m’ont profondément marqué : « Rassemblez-vous, comprenez la réalité de notre situation, comprenez que le fascisme est déjà là, que des gens qui pourraient être sauvé.es sont déjà en train de mourir, que des générations entières vivront dans la pauvreté et mèneront une demi-vie si vous n’agissez pas. »
J’ai essayé d’agir pour servir les gens à long terme, mais je ne suis pas un artiste, je suis un révolutionnaire, donc je ne pouvais pas me le permettre comme l’auraient fait les podcasteurs et les youtubeurs communistes escrocs s’iels se souciaient de leur communauté.
Je ne peux pas vendre des journaux pour une organisation, car je préfère m’en servir pour critiquer la classe dirigeante.
Puis j’ai entendu Palestine Action discuter sur Twitter Space de leur première grande victoire, la fermeture définitive du site Elbit Systems Oldham.
Eh bien, ça alors ! C’est un véritable travail anti-impérialiste auquel je me dois de contribuer en tant que révolutionnaire marxiste et internationaliste. Servir le peuple au niveau local, c’est bien, mais servir le peuple au niveau international, pour un peuple opprimé à cause des politiques de votre propre pays et des objectifs impérialistes, c’est bien plus urgent. De plus, les Palestinien.nes sont beaucoup plus sympas.
Un mois plus tard (je crois), j’ai pris des briques sur le site d’Elbit UAV Engines et je les ai utilisées pour détruire les moteurs des drones à l’intérieur (brique par brique) avec cinq autres camarades estimé.es que j’aimerai toujours.
Nous avons complètement démantelé les lieux. Ils ont été hors service pendant plus d’un mois. C’était merveilleux. C’est ça, la liberté. La liberté, c’est se battre pour la liberté, c’est un phénomène qui se reproduit de lui-même.
Cette action a littéralement coûté du sang, de la sueur, des larmes et des os cassés. Des drones cassés.
Je suis allé travailler deux jours plus tard avec ma main gauche en lambeaux après m’être déchiré la main sur les barbelés de l’usine. Quelques centimètres de veine avaient été arrachés de mon doigt et se trouvaient dans la paume de ma main, baignant dans une mare de sang qui ne cessait de s’étendre. Mes doigts étaient retournés à certains endroits, c’était assez impressionnant à voir.
Naturellement, cette expérience et d’autres similaires m’ont amené à réorienter mes podcasts vers la promotion de Palestine Action et l’importance de l’action directe. À mesure que je m’impliquais davantage, mon podcast a été mis en veilleuse, tout comme mes habitudes « illicites ».
Le Patreon existe toujours (merci de ne pas y verser d’argent, car je ne peux pas y accéder), mais j’aimerais un jour relancer Revolutionary Lumpen Radio.
J’ai un autre podcast intitulé « Diary Of A Political Prisoner » (Journal d’un prisonnier politique) qui a été enregistré en prison et dont le Patreon est accessible. Je le mettrai bientôt à jour. Je continue bien sûr à m’intéresser à la propagande agitatrice.
Ton éducation politique et tes travaux théoriques semblent très ancrés dans le rôle du lumpenprolétariat dans la révolution, et tu fais souvent référence à d’important.es combattant.es pour la liberté des Noir.es en Amérique, tels que George Jackson et Sanyika Shakur. Tu sembles suivre une tendance différente, enracinée dans les luttes de libération nationale anticolonialistes et anti-impérialistes, par rapport à beaucoup de marxistes occidentaux qui soulignent le rôle de la classe ouvrière des pays impérialistes dans la révolution.
Je pense que cette contradiction se traduit directement dans la stratégie de Pal Action également. Par exemple, aux États-Unis, notre campagne d’action directe a suscité beaucoup de réactions négatives de la part de personnes qui affirmaient que nos actions aliéneraient les travailleur.euses des usines d’armement et que nous devions simplement les organiser. Bien sûr, nous avons répondu à cela que ces travailleur.euses, même s’iels subissent une certaine exploitation de la part de leurs employeurs, sont profondément investi.es dans l’impérialisme et le génocide et en tirent profit, et que nous ne devrions donc pas attendre qu’iels acquièrent une conscience morale pour agir, ni les considérer comme la base de la révolution. Les syndicats ont certainement pris plus de mesures et organisé de brèves grèves générales dans certains pays européens qu’aux États-Unis, où ils ont simplement continué à fabriquer et à expédier des bombes, et à soutenir des candidats génocidaires, mais je dirais que les syndicats européens pourraient et devraient faire beaucoup, beaucoup plus.
Alors, penses tu qu’il existe un potentiel révolutionnaire au sein du noyau impérialiste, et à quoi cela ressemble-t-il ? Quelles stratégies méritent d’être adoptées et lesquelles sont futiles ou socialement impérialistes ? D’un point de vue historique, quels groupes considéres tu comme des références et des sources d’inspiration ?
Calla, j’adore ces questions et je suis très heureux d’y répondre à quelqu’un qui connaît aussi bien que toi ces concepts et phénomènes importants.
En ce qui me concerne, le marxisme, la théorie de la révolution, n’est pas une fin en soi, mais un projet constant de pratique > théorie > pratique > théorie, etc. Les praticien.nes sont des révolutionnaires parce qu’iels ont compris la nature de l’anti-impérialisme, du décolonialisme et des luttes de résistance, c’est-à-dire la théorie et la pratique marxistes. Beaucoup de gens utilisent le terme « impérialisme » sans avoir étudié le marxisme-léninisme, alors que Lénine en a littéralement défini la signification.
Le « décolonialisme » est littéralement une pratique issue des révolutionnaires qui ont compris le marxisme/matérialisme historique et l’ont appliqué à leurs luttes de libération nationale, mais la plupart n’ont jamais lu la théorie marxiste de ses dirigeant.es.
L’idéologie est tellement importante. Si vous y repensez, à un moment donné, vous ne saviez pas lire. Vous regardiez le texte sur cet écran et ne voyiez rien d’autre que des formes et des symboles incohérents. Puis vous avez appris à lire. Depuis que vous savez lire (et vous pouvez le vérifier), vous êtes physiquement incapable de regarder ces lettres/mots sans les lire ! Vous ne pouvez pas le faire !
Lorsque vous comprenez le marxisme, votre idéologie change, vous interprétez le monde de manière complètement différente ; vous comprenez les mécanismes et les forces de la géopolitique, de l’économie et de la culture tels qu’ils sont : une hégémonie de la classe dirigeante ! Vous acquérez une culture politique. Le marxisme est l’outil dont nous devons nous servir pour démanteler le capitalisme, le colonialisme et l’impérialisme soutenus par son idéologie libérale. C’est la seule chose qui ait permis d’y parvenir et nous ne pouvons espérer comprendre, et encore moins vaincre, les forces de l’oppression sans lui.
Par conséquent, oui, tu as raison, et cela me ramène un peu à mon ancien podcast Revolutionary Lumpen Radio. J’ai critiqué ouvertement les marxistes « eurocentriques » du cœur impérialiste et leur manque d’engagement envers les mouvements de libération et les révolutionnaires noir.es ou autres. Beaucoup semblent penser que le projet scientifique du marxisme n’inclut pas des personnes comme George Jackson, Fred Hampton, Huey Newton et Sanyika Shakur, ni même Frantz Fanon et Ghassan Kanafani. Comme l’a déclaré Malik Dacoure dans mon épisode « BLACK Marxism & White Marxism », ces révolutionnaires sont considéré.es comme des « DLC » — quelque chose d’extraordinaire, voire d’exotique, mais sans lien avec la théorie révolutionnaire au cœur de l’empire. C’est peut-être parce qu’ils et elles ne sont pas blanc.hes, en raison d’un héritage de la morale bourgeoise, mais je pense que les contributions de ces personnes sont très importantes.
Les Black Panthers, par exemple, avaient une compréhension remarquable du marxisme-léninisme. J’ose dire que la plupart des marxistes blancs obtiendraient un « F » au programme éducatif de six semaines des Black Panthers.
Iels ont réussi à comprendre la nature de leurs ennemis ainsi que leur propre position au sein d’un système d’oppression raciste structuré par les classes.
Avec la guerre du Vietnam qui faisait rage, les Noir.es américain.es étaient contraint.es de combattre les populations pauvres non blanches au Vietnam et récompensé.es, parfois, par les forces armées américaines tandis que les Noir.es (aux USA) étaient tué.es en toute impunité. Cela a donné lieu à une contradiction et à une prise de conscience qui ont poussé des individus extrêmement courageux comme Huey Newton à former le Black Panther Party, un parti marxiste-léniniste. Bien que l’objectif initial était de mettre fin à la brutalité policière dans les quartiers noirs, c’est en éduquant les masses sur le pays suprémaciste blanc dans lequel elles vivaient et sur la manière dont cette suprématie était maintenue par le capitalisme et l’impérialisme qu’iels ont réussi.
Les programmes « Serve The People » des Black Panthers ont été une réussite remarquable et une méthode jamais pratiquée auparavant dans le cœur de l’empire.
Cela a fonctionné. Cela a permis à des milliers (des centaines de milliers) de personnes de comprendre le capitalisme/impérialisme à travers le racisme et ses structures de pouvoir. Les Black Panthers ont obtenu plus de concessions du gouvernement américain que n’importe quel parti communiste blanc n’en a jamais obtenu ou n’en a obtenu depuis ! Ce n’était même pas leur intention, mais grâce à leur militantisme et à leur travail d’éducation, iels ont sorti leurs communautés de l’ignorance et du désespoir pour leur donner du pouvoir.
Iels ont rassemblé tant de gens et ont repris leurs rues aux capitalistes. Iels ont littéralement offert des soins de santé GRATUITS aux ÉTATS-UNIS, bon sang ! Iels ont enseigné à leur communauté qu’elle le méritait et que le socialisme le garantirait.
De plus, j’ai eu l’honneur et le privilège de lire un journal des Black Panthers dans la vraie vie. Je l’avais entre les mains. À l’intérieur, il y avait des illustrations aléatoires qui disaient « Lumpen Power » et d’autres propagandes pro-lumpen, car bien sûr, la plupart des Noir.es à l’époque étaient des lumpen. Iels se concentraient sur les plus opprimé.es, plutôt que sur les travailleur.euses qui voulaient simplement s’organiser pour obtenir une plus grande part du gâteau impérialiste, donc je me sens plus en phase avec les Panthers qu’avec les marxistes eurocentriques blanc.hes, pour être honnête.
Finalement, le FBI a considéré que les « programmes de petits-déjeuners gratuits pour les enfants » constituaient la plus grande menace pour les États-Unis. Plus que n’importe quel autre parti communiste blanc américain. Les Black Panthers étaient littéralement en train de construire le socialisme aux États-Unis ! Pas les Blanc.hes. Les petits-déjeuners gratuits dans les écoles ont été une concession que le gouvernement américain a finalement faite, car toute iconographie révolutionnaire finit par être neutralisée.
Le FBI a cherché à « empêcher la montée d’un Messie noir », alors ils ont assassiné (en fait lynché) Fred Hampton, 21 ans, parce qu’il était tout simplement trop cool.
Ainsi, lorsque j’étudie l’histoire, les succès et les échecs de l’activité révolutionnaire, je les étudie tous parce qu’iels sont mort.es ou ont été emprisonné.es pour nous. Je ne suis pas dogmatique, je ne me limite pas à la théorie et à la pratique révolutionnaires dans le cœur impérialiste du début des années 1900, j’étudie les révolutionnaires récents tels que les Black Panthers jusqu’aux années 1980. Si les marxistes ne peuvent pas aborder les contradictions du racisme, du colonialisme et les problèmes eurocentriques du marxisme, alors je pense que nous avons un sérieux problème.
En ce qui concerne les syndicats et les travailleur.euses de l’industrie de l’armement, eh bien… Comme je l’ai déjà dit, les travailleur.euses et leurs syndicats s’organisent pour obtenir une plus grande part du gâteau impérialiste, c’est ce qu’iels font le mieux. Je ne peux pas les imaginer s’organiser pour arrêter de travailler dans une usine d’armement où iels ont consciemment postulé pour travailler, et je sais de première main que ces usines ont des photos encadrées des armes qu’elles produisent partout dans leurs locaux, qu’elles sont fières du travail qu’elles font et qu’elles sont violentes avec les manifestant.es, même les enfants. Il n’y a pas de débat possible avec ces porcs.
Je sais que vous avez essuyé des critiques pour ne pas avoir « organisé » la main-d’œuvre plutôt que de simplement prendre des mesures pour fermer le site, je m’en souviens. C’était dramatique. Je crains que les États-Unis ne soient tout simplement un pays très réactionnaire et stupide.
Honnêtement, espérer que les syndicats se mettent en grève est très idéaliste. Je pense qu’il vaut mieux consacrer notre temps et notre énergie à organiser des campagnes d’action directe pour fermer nous-mêmes ces lieux, et ceux qui disent le contraire cherchent des excuses pour justifier leur propre lâcheté et leur complicité.
Je pense qu’il existe un potentiel révolutionnaire au cœur même de l’empire, car je sais que j’existe et que mes camarades existent, y compris toi, Calla.
Il y a beaucoup de travail à faire. Je pense qu’il est important de se concentrer sur l’action directe contre le complexe militaro-industriel, en établissant un lien avec les conquêtes impérialistes racistes, comme l’a fait Palestine Action, en informant des millions de Britanniques et d’Occidentaux sur leur rôle très contemporain dans l’oppression et les crimes contre l’humanité, en dévoilant le masque de ce qui était apparemment un groupe de pays parfaitement civilisés, une force du bien dans le monde.
Il est également important de servir le peuple ! Mettre en place des programmes locaux dans le but de transformer la soif de capitalisme des peuples en une soif de socialisme — lutter contre l’aliénation, le désespoir et le suicide parmi nos voisins en faveur du suicide révolutionnaire par l’éducation politique et la solidarité.
Gonfler nos rangs, les révolutionnaires professionnel.les en faveur des esclaves professionnel.les salarié.es.
Nous devons faire de l’organisation et du soutien des prisonnier.es politiques une priorité, tout comme les Palestinien.nes placent leurs prisonnier.es au centre de leur organisation. Ces personnes sont le fer de lance de l’action et nous devons collectivement les mettre en avant, ainsi que ce qu’elles représentent, dans la conscience de tous.
Nous devrions examiner (en détail) les organisations et les individu.es qui composent le Black Panther Party, Palestine Action et d’autres mouvements récents qui ont influencé l’histoire de manière révolutionnaire afin de nous inspirer et de tirer parti de leur élan.
Selon toi, que nous réserve l’avenir en termes d’action directe et de résistance au sens large ?
Oui, je pense que l’avenir de l’action directe ne fait que commencer. Je pense que l’action directe a pris son essor et qu’il est prêt pour le long terme.
En termes de résistance, c’est au lecteur.ice de décider. Se sentira-t-iel poussé.e à mettre fin au massacre des populations, aux meurtres, à l’extinction provoquée par l’homme, ou aura-t-iel un cœur et se laissera-t-iel guider par de grands sentiments d’amour ?
As-tu un message pour tes camarades en grève de la faim, qui viennent de passer le cap du mois ?
À mes camarades en grève de la faim, j’ai le cœur brisé. Je vois beaucoup de vidéos qui rapportent/commentent les événements en Palestine et il y a des commentaires aléatoires sur votre grève de la faim. Elle est largement connue et beaucoup de gens pensent à vous. Bien sûr, c’est agréable, mais ce n’est pas particulièrement ce qui changera les choses.
Je fais ce que je peux pour changer les choses, pour que vos revendications soient satisfaites, comme vous le feriez si vous étiez à ma place.