Initialement publié sur ZGA MEDIA le 29/09/2024.
Lettre écrite par des anciennes de la Mala, qui nous a été transmise avec cette description :
« La rentrée approche : non pas celle des établissements scolaires, mais bien la rentrée insurrectionnelle.
Le 1er octobre a été désigné comme la première journée d’action lycéenne de cette rentrée. Il est important de rendre visible le rôle que des lycéennes ont pu jouer au sein du mouvement. Cette place n’a pas vocation à être silencieuse et sage, mais bien bruyante et subversive, et cette place, c’est la tienne. 🥷🏋️♀️ »
« 𝐋’𝐚𝐟𝐟𝐢𝐫𝐦𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐞 𝐬𝐨𝐢 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐟𝐞𝐦𝐦𝐞 𝐧’𝐢𝐦𝐩𝐥𝐢𝐪𝐮𝐞 𝐩𝐚𝐬 𝐮𝐧𝐞 𝐩𝐚𝐫𝐭𝐢𝐜𝐢𝐩𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐚𝐮 𝐩𝐨𝐮𝐯𝐨𝐢𝐫 𝐦𝐚𝐬𝐜𝐮𝐥𝐢𝐧, 𝐦𝐚𝐢𝐬 𝐮𝐧𝐞 𝐦𝐢𝐬𝐞 𝐞𝐧 𝐪𝐮𝐞𝐬𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐝𝐮 𝐜𝐨𝐧𝐜𝐞𝐩𝐭 𝐝𝐞 𝐩𝐨𝐮𝐯𝐨𝐢𝐫. 𝐂’𝐞𝐬𝐭 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐝é𝐣𝐨𝐮𝐞𝐫 𝐜𝐞 𝐩𝐨𝐭𝐞𝐧𝐭𝐢𝐞𝐥 𝐚𝐭𝐭𝐞𝐧𝐭𝐚𝐭 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐟𝐞𝐦𝐦𝐞 𝐪𝐮’𝐨𝐧 𝐧𝐨𝐮𝐬 𝐫𝐞𝐜𝐨𝐧𝐧𝐚î𝐭 𝐚𝐮𝐣𝐨𝐮𝐫𝐝’𝐡𝐮𝐢 𝐥’𝐢𝐧𝐭é𝐠𝐫𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧 𝐚𝐮 𝐭𝐢𝐭𝐫𝐞 𝐝𝐞 𝐥’é𝐠𝐚𝐥𝐢𝐭é »
𝐂𝐚𝐫𝐥𝐚 𝐋𝐨𝐧𝐳𝐢
On a tendance à essentialiser les mouvements émeutiers comme un phénomène intrinsèquement masculin. Des émeutes de banlieues aux blocus parisiens, on s’imagine des hommes agressifs, qui extérioriseraient une violence viriliste et en profiteraient pour tout casser. Pour autant, des féministes mexicaines d’aujourd’hui aux sufragettes du 19e siècle, les femmes ont toujours eu recours à la violence et à la radicalité.
Réduire l’image de la MALA à des événements pensés et façonnés par et pour les hommes c’est tomber dans la vision biaisée de la politique, celle du féminisme « gentil », qui se limite à demander patiemment, qui individualise les femmes à coups de « self-love », de « girl power » et qui va juste glorifier les femmes PDG et celles au pouvoir, au détriment même de la politique qu’elles mènent. C’est tomber dans une vision réductrice et caricaturale de l’ordre social et du patriarcat, parce qu’imaginer des filles sages et calmes incapables de pouvoir établir un rapport de force avec la police, c’est les réduire à une image stéréotypée.
Car oui, nous sommes lycéennes et nous nous retrouvons dans les actions de la Mala.
Oui, nous sommes lycéennes et nous avons utilisé des mortiers, oui nous sommes des lycéennes et nous avons monté des barricades, oui vous êtes des lycéennes, et rien ne vous en empêche.
Durant ces années, nous avons tristement remarqué que nous étions presque les seules lycéennes à user de la violence lors des actions organisées.
Mais nous avons également tristement remarqué pourquoi.
Parce que en tant que femme, il faut en faire deux fois plus pour être légitime. Parce qu’en tant que lycéennes, ce n’est pas vers nous que les hommes se tournent pour donner une barrière, un mortier, un fumigène.
Parce que lors d’actions violentes, lorsque certains lycéens remarquaient le fait que l’on était des femmes, il s’en suivait des remarques misogynes.
Comme chacune des places qu’on prend dans cette société, il faut en faire plus, il faut constamment devoir prouver qu’on sait le faire, être validées.
Parce que dans le milieu « violent », dans le devant du cortège, il n’y a pas de place pour nous, alors on l’a prise de force.
Parce que, au sein même des militants dits « déconstruits », qui critiquaient Mala pour son masculinisme, il ne leur est jamais venu à l’esprit que derrière se cachaient des lycéennes, et pourtant…
On a réussi à s’imposer dans la MALA, on a pris des décisions, on a toujours choisi l’affrontement plutôt que le compromis. Parce qu’on écoute du rap énervé, qu’on se cagoule, qu’on a pillé des supermarchés en autoreduc, qu’on décore les rues de Paname ; puisqu’on a compris que ce système ne s’adaptera jamais à nous, on a fait le choix de le détruire : on est donc forcément des hommes.
Notre féminisme n’est pas du développement personnel, il est subversif.