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Brochure : contre_le_colonialisme
Contre la colonisation française, contre l’état et le capitalisme : la solution insurrectionnelle.
Nous, afrodescendant.e.s, avons toujours appris que nos ancêtres esclavagisé.e.s ont été vendu.e.s par d’autre noir.e.s, en échanges de « pacotilles » (de la vaisselles, et des objets manufacturés de peu de valeur). Un point de vue qui fantasme la stupidité et la cruauté de notre peuple, qui se serait fait « arnaquer », atténuant de fait celle des esclavagistes blancs, en plus de masquer la composition des sociétés d’Afrique de l’ouest de l’époque de la Traite des noir.e.s.
Que ce soit lié à cette rhétorique ou pas, on observe une discorde entre africain.e.s et afrodescendant.e.s :
une rancœur envers les africains de la part des afrodescendant.e.s d’un côté, et un mépris, un sentiment de supériorité des africain.e.s envers les descendant.e.s des déporté.e.s africain.e.s. Chez les personnes afro descendantes se manifeste aussi une forme de mépris colonial, un orgueil lié à la possession de la nationalité du colon, vécu comme un marqueur de supériorité sur l’Africain.e.s a qui on accorde le statut d’indigène.
Il faut aller plus loin que les programmes d’histoire du collège pour découvrir ceci : Les sociétés africaines d’alors n’étaient pas des blocs homogènes que l’on pouvait réduire aux « africain.e.s », ces sociétés étaient des états organisés en Royaumes et en Empires. La pratique de l’esclavage était chose commune sur le continent de l’époque, et des Royaumes comme celui du Dahomey fondaient leur économie sur ce type de commerce, avec d’autres états d’Afrique comme avec les blancs.
Pas d’arnaque donc, entre des européens un peu filous et des africains cruels et arriérés impliquant des fourchettes et des théières, mais plutôt de la diplomatie, des enjeux stratégiques et l’acquisition des technologies militaires européennes.
En partant de ce fait, nous pouvons ajouter un degré de lecture à l’Histoire de la Traite des Noir.e.s, au-delà d’un paradigme de race : La déportation de masse et le trafic humain des africain.e.s s’inscrit aussi dans un paradigme de classes sociales, et ce pour deux raisons :
– C’est également l’histoire d’une relative entente entre la noblesse-bourgeoisie blanche et la noblesse noire, contre une classe laborieuse rurale noire. En effet, le Royaume du Dahomey, par exemple, était connu pour ses campagnes militaires qui avaient pour but d’effectuer des razzias dans les populations des nations voisines, afin d’alimenter son économie. En 1526, le Roi Mvemba du Kongo écrivit à la cour portugaise: il lui fut intolérable que des nobles de son royaume et certains de ses vassaux ait été enlevé.e.s par des portugais qui outrepassaient l’accord conclu entre les deux Etats, à savoir que les captifs vendus devaient être des prises de guerre du Royaume.
– L’organisation de la Traite Transatlantique fut un laboratoire de la découverte des dynamiques de reproduction des richesses. Exploiter le travail permet d’accroître les richesses, ce qui permet d’accroître les moyens de production, dans un cycle auto-alimenté infini.
L’expérience de cette organisation de l’exploitation humaine a donné naissance au Capitalisme moderne2.
Il n’est évidemment pas question d’éclipser l’aspect racial de ce crime de masse. Les Portugais ont fini par faire peu de cas de la haute-naissance de certain.e.s captif.ve.s noir.e.s, pas plus que les travailleurs-marins blancs n’eurent de scrupules à violer les femmes noires à bord des négriers. Pas question donc d’une conscience de classe qui ne soit pas court-circuitée par la division raciale (un fait qui continu de faire écho aujourd’hui).
Mais on peut ajouter à la dénonciation de la domination blanche, celle des dynamiques malsaines de l’organisation sociale hiérarchique incarnée par les États, qu’ils soient des républiques, des royaumes, des empires ou des démocraties. Tous ont exploité, massacré, colonisé.
Les blancs ne se sont pas empressés de nous raconter qui étaient nos peuples, de nous parler de nos royaumes, et de la sophistication de nos sociétés car ils veulent nous contrôler et faire durer le mythe de notre infériorité. Mais notre infériorité selon leurs critères à eux.
Émancipons nous de ces critères coloniaux. Nous ne devrions pas ressentir de fierté particulière à l’idée que des sociétés africaines de l’ouest, d’où nous venons, aient bâti des empires, aient eu des aristocrates, ou aient érigé des palais, voir des pyramides dans le cas des Nubiens et de l’Égypte des pharaons noirs.
Les peuples et les nations qui n’ont jamais maîtrisé la métallurgie ne devraient ressentir aucune honte de ce qu’iels sont. Les San, peuple d’Afrique centrale qui selon certains critère anthropologiques sont qualifiés de chasseurs-cueilleurs, étaient assez péjorativement appelé.e.s « Bushmen », hommes des buissons. Iels vont demi-nus, n’ont rien construits qui se voit de loin… mais ils n’ont massacré personne, n’ont mené aucune campagne militaire pour des richesses, n’ont jamais détruit l’endroit où iels vivent, et leurs sociétés ne connaît pas de tyran, ni même de chef. Les femmes peuvent divorcer au simple motif qu’elles s’ennuient. De tout cela, les San peuvent être fièr.e.s.
Les nations natives américaines du nord du continents n’ont bâti aucun monument ni grande cité, contrairement à leurs frères et sœurs du centre et du sud du continent, iels n’avaient pas de rois, ni de noblesse. Mais quand ils ont rencontré les neg’marons, ils ont vu en elleux des allié.e.s naturel.le.s contre les envahisseurs blancs. Ces derniers ont tenté de négocier la traite des esclaves révoltés qui avaient trouvé refuge chez elleux.
Les natif.ves américain.es n’en ont livré AUCUN.E. Les noir.es ont été considéré.e.s comme leurs semblables et les deux sociétés se sont mélangé.e.s. Ensembles, iels organisaient des raids contre les campements des colons. De cela, les nations natives américaines pouvaient être fièr.e.s.
Nos ancêtres esclavagisé.e.s n’ont jamais cessé de se révolter, d’attaquer les maîtres, de s’organiser suivant la tactique de la guerilla, caché.e.s dans les forêts tropicales dont iels apprirent à maîtriser le terrain. Ils et elles n’ont jamais cessé non plus de parcourir les mers des caraïbes en épousant, comme les rebelles blancs (et quelques femmes3) de l’époque, une vie de piraterie et de liberté, libérant des esclaves, exécutant les capitaines tyranniques, partageant les butins et enrôlant de nouveaux pirates. Ces siècles de luttes perpétuelles mit à terre le système esclavagiste. De cela nous pouvons être fier.e.s.
Hier comme aujourd’hui nous luttons contre le système colonial, dont la forme évolue selon les époques, passant d’un système de production féodale au capitalisme, sans jamais changer sa nature fondamentale : celle d’un ordre hiérarchique structuré par la coercition et l’autorité. Voyons l’État colonial comme notre ennemi, mais aussi comme l’émanation d’une nature plus profonde, celle du Capitalisme et de l’État lui-même.
Notre ennemi est l’État car il agit en tandem inséparable avec un système économique agressif et fondamentalement inégalitaire qui, en retour, coproduit et justifie l’État. L’État protège la propriété privée et garantit la production d’une plus-value maximum. En retour, les grands propriétaires assurent les intérêts stratégiques de l’État. Une des conditions primordiale de cette maximisation des profits passe obligatoirement par le sacrifice d’une catégorie de personnes, race, classe sociale, genre, statut… Un exemple concret est celui de l’usage du chloredécone pour la culture de la banane. Malgré les interdictions de son usage, partout ailleurs sur le territoire national et même aux Etats-Unis, au motif de son immense toxicité, les rendements importants que permettait ce pesticide dans les plantations de « l’économie de comptoir » dans laquelle les Antilles ont été enfermées, justifiaient à eux seul de sacrifier la santé, et parfois la vie, d’antillais sur des générations. On peut évidemment citer aussi la question de la vie chère : les marges obscènes des acteurs de la grande distribution, dans les territoires dits « ultramarins » encore plus qu’ailleurs, montrent à quel point les vies Noir.e.s sont considérées moins importantes pour l’État. Ainsi, les industriels sont prêts à tout pour maximiser leurs profits, sur toute sorte de marchandises, aussi bien alimentaires ou de premières nécessité qu’utilitaires, et ce avec la complicité active de l’État.
L’esclavage aboli, la plus value des propriétaires blancs continue d’être produite sur la destruction des corps noir.e.s, ici par des intrants chimiques qui donnent le cancer et entravent le développement des enfants, sur le dos des familles qui ne peuvent plus se nourrir décemment, et enfin, par la répression policière. Le système esclavagiste n’a fait que muter en une forme moins directe et parfois plus discrète, car il est l’émanation nouvelle du couple Capitalisme-Etat.
Le couple Capitalisme-Etat a un fonctionnement optimal et machiavélique. Il produit des oppositions laissant croire à une forme de séparation des pouvoirs. Des lobbys capitalistes luttent pour des réglementations favorables au libre-échange. De l’autre côté, l’arsenal légal de l’état-providence (en décrépitude) et un certain nombre de normes, de réglementations, contre-balancent l’influence des lobbys.
Cela promeut l’illusion que les institutions existantes contiennent les outils pour leur transformation de l’intérieur, notamment par le vote. Grave erreur ! Le terrain d’opposition ultralibéralisme/état-providence est cadré et délimité de la manière la plus rigide qui soit, car il est défini sur l’accord et les intérêts communs du pendant libéral et étatique.
Les colonies françaises ultra-marines constituent un intérêt stratégique indispensable au statut de l’État français sur la scène Internationale. Le nickel de Kanaky, entrant dans la composition des batteries de voitures électriques dont la production va probablement exploser dans les décennies à venir ; la possibilité de baser ses forces militaires aux quatre coins du monde, qui en fait la deuxième puissance maritime du monde !… Tout cela fait de l’indépendance des celles-ci un horizon bien au delà de ce cadre d’opposition ultralibéralisme/état-providence.
Le changement climatique et l’écocide globalisé en cours, qui menace fondamentalement les conditions d’habitabilité de la planète, ne peuvent être arrêtés sans mettre fin au mode de production capitaliste et aux États. Et en dépit de l’ampleur de cette menace existentielle, et des milliards de vies ainsi menacées, les capitalistes comme la classe politique ne feront jamais plus que des discours et du greenwashing. Rien ne les fera jamais dévier de la trajectoire apocalyptique du Capitalisme, et sa course effrénée vers la pollution, l’extraction, la production et la marchandisation, car cette solution est bien au delà du cadre de la contradiction ultralibéralisme/état-providence.
Ces gens réduiront le monde en poussière sans le moindre scrupule, en déclarant avec un cynisme éhonté que « une civilisation qui se respecte devrait être multiplanétaire » (Elon Musk).
Comment alors espérer une amélioration significative des conditions des colonies de l’empire français, si même une menace existentielle planétaire n’est pas suffisante pour générer un changement nécessaire ?
C’est pourquoi l’enjeu des luttes anti-coloniales est, plus qu’il n’a jamais été, un enjeu Révolutionnaire. Quelles stratégies adopter ? L’éventail des possibilité n’a de limite que l’imagination. Ce qui est certain c’est que l’organisation verticale, hiérarchique et chevillée aux institutions mène à l’impasse.
Aujourd’hui, la contestation a un double caractère.
– Il y a la contestation respectable, légale, sage et inoffensive des organisations instituées : le syndicat, le parti, l’association. Ils sont vecteurs de négociations, de dialogue et surtout de pacification. Ces différents organismes ont ceci en commun : l’exercice d’une autorité indiscutable au delà d’un certain cadre, comme la stratégie de lutte. Comme la non-violence.
– Il y a l’expression spontanée d’une somme d’individus agissant de façon coordonnée en occupant des espaces, en s’entraidant et utilisant divers degrés de violence. Pour cette deuxième forme, la légalité des actions importe peu. Elle n’est pas là pour dialoguer ou négocier, elle n’est pas partenaire, elle n’est pas appréhendée, ni appréhendable par l’ennemi. Pour elle, une seule chose importe : l’efficacité de la confrontation. Elle échappe au contrôle.
Aujourd’hui cette seconde forme de contestation souffre d’une absence de crédibilité importante car elle est régulièrement diabolisée, voire ridiculisée par les médias et les institutions, qui bénéficient du monopole de la direction du débat public. Elle souffre également d’une quasi absence d’un discours revendicatif qui justifie une pluralité des tactiques incluant la violence, et qui l’encourage. Quand la violence explose, on l’accuse d’être stupide et de ne rien revendiquer, en feignant de ne pas reconnaître que son expression même est déjà revendicative. Elle est négation radicale. Qu’y a t’il a expliquer de plus quand on brûle son propre quartier, que le rejet total de l’oppression présente et invisible dans la structure de l’espace qu’on occupe ? Les jeunes des quartiers ségregués ont-il besoin d’une analyse Foucaldienne et de concepts de biopolitique pour comprendre leur oppression ? Ce que la sociologie et la philosophie analysent bien au chaud, les habitant.e.s des quartiers l’expérimentent dans leur chair et leur esprit. Iels ne devraient pas en avoir besoin de pour justifier. Pourtant, alors que ces analyses existent dans les milieux intellectuels, même la gauche dans son ensemble les méprise de ne pas mettre de mots suffisamment élaborés sur leurs colères et leurs souffrances.
N’écrivons pas des pamphlets pour plaire aux intellos. Écrivons-les afin d’encourager à utiliser la violence.
L’illusion de la possibilité de la transformation de nos conditions d’existence avec les outils institutionnels nous a pacifié.e.s, et ce au point que dans certains mouvements de luttes on n’envisage plus une manifestation sans un « service de sécurité ». Mais la sécurité de qui ?
Là pour empêcher l’infiltration d’éléments violents, on demande à ces « services d’ordre » de prendre des photos tout le long des cortèges encadrés gentiment par les CRS qui surveillent que rien ne dépasse. Des véhicules de police et agent.e.s armé.e.s jusqu’au dents cloisonnent les cortèges, pour que les manifestant.e.s fassent leurs parcours et rentrent chez elleux.
Les photos prises serviront à identifier les « incontrôlables », afin de les livrer aux mains des forces de l’ordre colonial, alors même que le cortège contient des slogans hostiles à l’impérialisme colonial français. La sécurité de qui ?
Celle de la vitrine d’AXA, compagnie d’assurance fondée grâce à une fortune amassée par la traite négrière. Celle de la machine de retrait de l’agence BNP Paribas, dont l’Histoire récente est tachée du sang des Tutsi ? Celle des bornes de commande du McDonald’s, qui choye les soldats de l’Etat Colonial Israelien ? En quelques mots : Celle de l’ennemi. Celle du colon. Comment une telle contradiction est-elle devenue la norme ?
Une telle forme de contestation n’est qu’un rituel cathartique qui sert a exorciser sa révolte en croyant l’exprimer. Il est bien évidemment plus commode de croire les fables qui font l’économie du danger de la répression, et il est normal d’avoir peur. L’arsenal juridique nous menace d’amendes d’autant plus intimidantes qu’on est en situation de précarité, de privation de liberté et de « mort sociale » et l’arsenal du flic a de quoi décourager : matraque télescopique, Tonfa, LBD 40, grenades… Ces keufs de merde ont même leurs flingues à la ceinture.
C’est bien pour ces raisons là qu’il faut les attaquer, leurs symboles, leur structures et leurs agent.e.s, et qu’il faut le faire de manière à ce qu’iels ne puissent répondre, étant donné que le rapport de force est fortement inégal.
Celleux qui ont lutté contre le système esclavagiste, n’étaient-iels pas des neg marrons, des pirates et des insurgé.e.s ? Contre l’État colonial capitaliste, la violence est une auto-défense.
A BAS L’EMPIRE COLONIAL FRANÇAIS ET TOUS LES AUTRES !
– LES PIRATES DES CARAÏBES
2 Capitalism and Slavery, Eric Williams
3 La question de la contribution féminine à la piraterie dans les caraïbes du 18è siècle est une question complexe : les traces historiques de l’identité des pirates viennent des procès à leur encontre. Des témoignages parlent de personnes pirates AFAB qui pour diverses raison s’affranchissaient des normes de genres, et qui dans certains cas étaient identifié.e.s par la justice sous un nom masculin. Beaucoup de sources confirment que des captives et captifs noires ont été libéré.e.s par des pirates. Si les hommes ont été enrôlé, il est difficile de savoir exactement ce qu’il advenait des femmes. En tout cas, deux femmes pirates sont devenues des légendes : le couple lesbien formé par Anne Bonny et Mary Read (Les femmes pirates, Daniel Defoe). Les pirates noir.e.s n’étaient pas jugée, mais simplement remis.e.s sur le marché des esclaves.
4 Certains pirates considéraient les captifs comme de la marchandise, mais certains des plus notoires d’entre eux étaient hostiles à l’esclavage, et les noir.e.s déporté.e.s étaient souvent libérés et invités à s’enrôler dans la piraterie si ils le désiraient. Il serait réducteur de considérer les pirates comme uniquement des bandits des mers, et idéaliste de les voir comme des révolutionnaires de leurs époques… cependant ils étaient souvent portés par une éthique particulière pour leur époque. Ils élisaient les capitaines qui étaient dépourvus de privilèges et révocables à tout moment, ils répartissaient les richesses et ont imaginé un système de retraites basé sur le partage des surplus (« Libertalia, une utopie pirate » de Daniel Defoe). Le Célèbre Barbe Noir était connu pour son équipage composé de nombreux hommes noirs libérés. Leur présence parmi les pirates n’avait rien de marginale, mais on estime leurs proportion à 25% à 30% des 5000 pirates entre 1715 et 1726 dans les caraïbes. L’histoire a fini peu à peu par oublier les pirates noirs, mais de grand noms ont persisté dans le temps : le Capitaine Black Ceasar, Abraham Samuel, Francis Spriggs… Hors la quête de richesse et de liberté, la piraterie était un moyen de résistance et de contre-attaque envers les États esclavagistes et coloniaux d’Europe.