Initialement publié sur Indymedia Nantes le 30/09/2025, qui l’a traduit d’Indymedia Athènes le 10/09/2025.
Tant qu’il y aura celles et ceux qui disparaissent au combat, nous serons là pour poursuivre la guerre.
Et quand on meurt, on meurt comme les étoiles parsemant la lumière. Comme cette lumière qui a brillé, il y a un an, de l’explosion foudroyante dans l’appartement à Ampelokipi le 31 octobre, quand le combattant anarchiste Kyriakos Xymitiris parcourut le dernier bout de son chemin, là où tout se condense dans un seul moment, où la conscience révolutionnaire s’aligne avec le désir de mettre fin à ce monde vieilli qui se nourrit de sa propre chair.
Faisant preuve d’une immense camaraderie, de détermination et sans aucune trace de recul, il s’est investi dans la lutte pour la liberté. Avec clairvoyance, notre compagnon Kyriakos Xymitiris n’a jamais trahi le sentiment revolutionnaire, a aimé la vie, l’honorant à son chaque souffle. Tant à Berlin qu’à Athènes, il a participé sans retenue à tous les domaines de lutte : à des manifestations et des rassemblements contre la gentrification, à des patrouilles antiracistes et antipatriarcales, à des affichages massifs, à la défense combative des squats, à des luttes contre le colonialisme et les prisons.
Il est resté fidèle à ses convictions anarchistes. Dans ce monde asphyxiant, construit sur des pouvoirs qui étouffent la beauté sauvage de la liberté débridée, sur des politiques prédatrices, mortifères et des guerres que les centres occidentaux mènent dans les pays du « tiers monde » en marchant sur des cadavres, sur la doctrine cynique « celui qui ne s’adapte pas meurt », le compagnon Kyriakos Xymitiris n’a pas détourné le regard. Dans ce monde aux sentiments artificiels, aux comportements standardisés, aux contrats sociaux, à l’apathie massive, le compagnon Kyriakos Xymitiris a vécu dans le présent avec intransigeance Dans un contexte d’autoritarisme et de militarisation croissants, de précarité grandissante et d’appauvrissement généralisé, le compagnon Kyriakos Xymitiris a réalisé son propre dépassement, a renoncé à ses privilèges sociaux et a assumé ses responsabilités.
À une époque où les relations d’amitié sont criminalisées et remplissent des pages d’actes d’accusation enflés, où les emprisonnements systématiques servent à envoyer un message fort de terreur pénale, où le système judiciaire montre les dents aux misérables et ferme les yeux face aux crimes du capital et de l’État, le compagnon Kyriakos a prouvé que la stratégie de répression n’intimide pas les esprits révolutionnaires. À un moment où le mouvement connaît un recul, dû à l’intériorisation de la répression, à l’adaptabilité et à l’assimilation, le compagnon Kyriakos Xymitiris a décidé de ne pas fléchir et de contribuer à la formation historique des événements bouleversants. En dépit de son époque, il a choisi le chemin des responsabilités politiques et révolutionnaires. Armé de courage et de détermination, il a choisi de répondre à la violence de la domination.
Sa priorité était de préserver la tradition révolutionnaire de certains moyens de lutte qui, avec le temps, étaient devenus inactifs. Face au monopole de la violence du pouvoir, il a répondu en choisissant la contre-violence libératrice comme moyen de mettre fin aux souffrances endurées par la majeure partie de l’humanité. Le compagnon Kyriakos Xymitiris a accentué la dialectique et refusé d’accepter que ceux qui détiennent le pouvoir soient les seuls représentants légitimes de la violence. Il s’est battu sans garanties, sans certitudes ni sécurité, avec son âme, sa foi et son dévouement.
Parce que c’est la guerre. Une guerre de classe et une guerre sociale. Et pour le compagnon Kyriakos Xymitiris, l’inaction n’était même pas envisageable.Dans cette guerre, en choisissant la vie, il est tombé au combat. Sa mort est donc une affirmation de la vie, et la sauvegarde de son souvenir révolutionnaire est tout sauf un processus neutre. C’est une épine dans l’oubli et une fissure dans l’histoire imposée par les dominants. Elle fait partie intégrante de notre propre lutte, de notre présent et de notre avenir. C’est une histoire vivante. Une histoire construite sur les sourires et les regards complices de nos proches, de nos ami-es, de nos compagnon-nes.
Et si certain-es ne sont jamais revenu-es, iels vivent parmi nous à chaque souffle de liberté. Et si certain-es sont tombé-es au combat, iels sont à nos côtés dans chacune de nos actions. Et si certain-es sont parti-es tôt, iels marchent devant nous en nous ouvrant la voie. Et ce sont toustes celleux qui, de leur sang, ont rempli l’encrier de l’histoire révolutionnaire. Nous n’avons peut-être pas marché à leurs côtés, mais nous avons marché en parallèle. Nous n’avons peut-être pas choisi le même chemin, mais nous avons regardé le même ciel.
Parce que nous avions choisi la résistance, la vision révolutionnaire, la haine de ce monde et l’amour de la vie. Et leur mémoire subversive alimente nos feux, sert d’encre pour nos textes, de slogans dans nos manifs et de pierres dans nos poches, donnant un sens à leur mort, les appelant à un nouveau combat. Encore et encore…
C’est donc à nous qu’il incombe de préserver leur mémoire, de nous souvenir de leur action explosive et de leur détermination aiguisée. C’est à nous de transformer le deuil collectif en rage et en mobilisation offensive. C’est à nous de donner quelque chose pour celleux qui ont tout donné.
Faisons d’octobre un mois de mémoire et de lutte révolutionnaire. Tenons-nous fièrement aux côtés de notre compagnon Kyriakos Xymitiris à travers des actions et des interventions, des affichages et des barricades, des manifestations et des conspirations. Gardons son souvenir vivant, défendons ses choix, faisons en sorte qu’il reste PRÉSENT.
Créons donc des moments d’expression anarchiste en brisant la normalité. Remettons en question le mythe de la toute-puissance de l’État et de la paix sociale en mettant en avant la solidarité, l’égalité et la liberté. Dépassons nos limites en déployant nos tendances subversives de manière combative dans la rue. Confrontons-nous au système anthropophage en créant des moments à couper le souffle. Défendons nos engagements dans la pratique, en revendiquant la vie plutôt que la survie, la camaraderie plutôt que l’aliénation, la liberté plutôt que la soumission, la confrontation plutôt que l’assimilation.
C’est à toutes celles et tous ceux qui ressentent que rester aux côtés de Kyriakos fait partie de leur identité d’exprimer par tous les moyens imaginables et inimaginables leur rupture avec le monde du pouvoir. Et depuis nos propres barricades, nos cœurs vous accompagneront dans chaque combat. Encore et encore…
Nous ne serons plus jamais les mêmes.
Nous devons changer profondément
Vu la façon dont les choses se sont passées
Quand des camarades meurent
Nous pleurons
Quand des camarades meurent
Nous nous vengeons
Quand des camarades meurent
Nous demandons pourquoi
Nous devons changer profondément
Vu la façon dont les choses se sont passées
*Poème écrit par Weather Underground après une explosion dans une résidence de New York City dans laquelle Diana, Ted et Terry, membres de Weather, ont trouvé la mort.
Dimitra Zarafeta,
Marianna Manoura,
Prison pour femmes, Korydallos, 10 septembre 2025