Centre fermé : L’État belge responsable de la mort de Mahmoud
Initialement publié sur Bruxelles Dévie le 08/10/2025.
Dans la nuit du lundi 6 au mardi 7 octobre, Mahmoud Ezzat Farag Allah, demandeur d’asile palestinien, a mis fin à ses jours dans le centre fermé 127bis, à cause de ses conditions de détention. Sa mort survient alors qu’il était détenu dans des conditions inhumaines depuis 3 mois, en détresse psychologique. Les codétenus de Mahmoud sont clairs : c’est l’État belge qui l’a tué. Ce nouveau décès soulève des questions quant à la responsabilité que porte l’Etat belge dans les circonstances qui ont mené à la mort de Mahmoud et d’autres personnes en centre fermé. Chaque année 2 à 3 personnes meurent en centre fermé, selon Gettting The Voice Out. Une plainte a été déposée hier soir à l’encontre du centre pour ouvrir une enquête.
Mahmoud vivait en Belgique depuis 3 ans, il avait introduit une demande de statut de réfugié en Belgique. Avant son arrestation et sa mise en détention, Mahmoud était investi dans les manifestations quotidiennes à la Bourse pour la fin du génocide et la libération de la Palestine. C’est dans ce contexte qu’il a été arrêté par la police bruxelloise, dans le cadre d’une campagne de répression contre les rassemblements quotidiens. Mahmoud a été arrêté après son entretien à l’Office des Etrangers. Parallèlement à sa mise en détention en centre fermé, Mahmoud avait, sur une période de 2 jours, eu sa demande d’asile refusée et appris le décès de sa maman à Gaza. Une demande de libération écrite avait alors été faite à la direction du centre pour pouvoir faire son deuil, cette dernière lui avait été refusée.
Le dimanche 5 octobre, selon le témoignage de ses codétenus, Mahmoud avait une première fois tenté de mettre fin à ses jours. Comme seule réponse à cette tentative de suicide, le centre l’a placé à l’isolement. Anas Hmam – un militant marocain lui aussi enfermé depuis plusieurs mois en centre fermé et qui partage régulièrement les luttes qui s’y déroulent – avait interpellé fin août dans un communiqué sur la détresse de Mahmoud et les violences structurelles imposées aux personnes détenues en centre fermé. L’avocate de Mahmoud, Maitre Gloria Mweze souligne elle-aussi, qu’il était dans un état de détresse et que cela nécessitait une prise en charge : « On a refusé de lui donner des médicaments, disant qu’il n’était pas malade. Une personne comme lui ne devrait pas être dans un centre fermé. Il aurait dû aller à l’hôpital ».
La non intervention du personnel du centre fermé 127bis et sa mise à l’isolement, malgré les requêtes répétées de prise en charge et à la suite de sa première tentative de suicide, relève de la non-assistance à personne en danger alors qu’il était vraisemblablement en détresse psychologique. Selon les témoignages des codétenus de Mahmoud dans le centre fermé 127bis, plusieurs médicaments lui auraient été donnés, sans son consentement et sans contrôle médical. Toujours selon ces témoignages, il serait fréquent que des médicaments soient administrés aux personnes détenues en centre fermé à leur insu, notamment dans des thés qui leur sont servis. Le 7 octobre au soir, une plainte a été déposée pour non-assistance à personne en détresse psychologique et pour sédation forcée. Selon les informations dont nous disposons, les plaignant·es ne disposaient que de 24h pour introduire la plainte, sous forme de lettre, au directeur du centre.
A la suite de la mort de Mahmoud, Getting The Voice Out rapporte que 80% des détenus du centre 127bis se sont mis en grève de la faim et que la répression à l’encontre des détenus qui se révoltent s’intensifie. Des fouilles de cellule ont par ailleurs été menées hier soir. Les détenus du 127bis, ont expliqué au collectif contre les centres fermés qu’“Aujourd’hui c’est Mahmoud, demain c’est quelqu’un d’autre. Il faut faire quelque chose, la sécurité rigole de nous. Il faut faire quelque chose.” « 5 camarades à lui ont été mis au cachot et transférés de force à trois centres différents […]. On leur prend leurs téléphones, on les prive de tout contact. Rien n’est mis en place par le centre pour les laisser vivre leur deuil en paix, au contraire.« , rapporte Getting The Voice Out.
Le mardi 7 octobre en soirée, un rassemblement en hommage à Mahmoud et en soutien aux personnes détenues en centre fermé a eu lieu. Un feu d’artifice a été tiré en face du centre 127bis. Un hommage a également été organisé lors du rassemblement quotidien pour la Palestine, Place de la Bourse.
Ces dernières semaines de nombreux réfugiés palestiniens ont été arrêtés et détenus en centres fermés. La plupart ont été arrêtés en marge de manifestations, parce qu’ils exercent leur droit politique. C’est une réelle campagne de répression policière, administrative et judiciaire qui est menée à l’encontre de la communauté palestinienne bruxelloise. La mort de Mahmoud s’inscrit dans la lignée des politiques racistes et coloniales que réserve l’État belge aux demandeurs d’asile, en l’occurrence palestiniens. En plus de sa complicité active dans le génocide en cours à Gaza, la Belgique arrête, poursuit, violente et enferme dans des conditions extrêmes les demandeurs d’asile, qui finissent par mener à leur mort. Le décès de Mahmoud au centre fermé 127bis, met en lumière la situation de centaines de personnes exilées et sans-papiers qui vivent dans des conditions de détention inhumaines. Chaque année plusieurs personnes sont tuées en centre fermé à cause des conditions détentions. Le collectif Getting The Voice Out, qui lutte contre les centres fermés, relaie les combats politiques au sein des centres fermés et la réalité des conditions de détention imposées aux personnes détenues.
Soutien de l’extérieur
Volé dans la presse du 12/10/2025
De nouvelles manifestations se sont tenues samedi devant le centre fermé de Steenokkerzeel (Brabant flamand), dit « 127bis », et celui de Vottem (Liège), en présence d’une mobilisation policière importante. Les raisons de la colère : la nouvelle du décès d’un ressortissant palestinien, Mahmoud Ezzat Farag Allah (26 ans), qui s’est donné la mort dans la nuit du 6 au 7 octobre dans le « centre de rapatriement » de la périphérie bruxelloise géré par l’Office des étrangers (OE). Selon Belga, ces deux mobilisations ont respectivement compté « quelque 150 personnes » et « plusieurs dizaines » de personnes dénonçant les conditions de détention dans les centres fermés. « Les décisions de ce gouvernement ignorent totalement les parcours et les réalités des réfugiés, ainsi que leur désir d’être auprès de leurs familles et de leurs amis », ont déploré sur place les protestataires. « Malheureusement, ce n’est pas la première fois qu’une telle tragédie se produit. Cela doit cesser. Nous exigeons la fermeture des centres fermés, l’arrêt des expulsions et la régularisation des sans-papiers. »
La répression s’intensifie dans les centres…
Initialement publié sur Getting the Voice Out le 08/10/2025
Depuis la mort de Mahmoud, hier, au centre fermé du 127bis (près de Zaventem), cinq camarades à lui ont été mis au cachot et transférés de force à trois centres différents : deux à Bruges, deux à Vottem (Liège), et un au Caricole (aussi près de Zaventem). On leur prend leurs téléphones, on les prive de tout contact. Rien n’est mis en place par le centre pour les laisser vivre leur deuil en paix, au contraire. Une tentative du centre et de l’Office des étrangers de décourager, museler la résistance de l’intérieur. Les cinq personnes transférées étaient celles avec qui Mahmoud était le plus proche, et qui avaient le plus de liens avec la communauté palestinienne à l’extérieur. Les camarades de Mahmoud étaient en deuil, et ils avaient commencés une grève de la faim ensemble. Un détenu nous rapportait hier que environ 80% des détenus du 127bis avaient commencé une grève de la faim. La même après-midi, ils étaient mis au cachot et transféré loin de leurs camarades. Le soir, un petit groupe de personnes se sont rassemblées devant le centre pour montrer et crier leur solidarité avec les personnes en détention. Des messages de soutien et de colère ont pu être échangés. Suite à cela, le personnel du centre a organisé une fouille de toutes les chambres, accentuant encore le climat de répression.
… ainsi que la révolte
Initialement publié sur Getting the Voice Out le 17/10/2025
Le 14 octobre, le même jour que la mobilisation nationale appelé par les syndicats contre l’Arizona, les détenus ont observé une forte présence policière autour du centre, sans que la raison ne leur soit communiquée.
Plus tard, dans la soirée, des détenus ont découvert la présence de punaises de lit. Plusieurs infestations de punaises avaient déjà fait l’objet de protestations ces derniers mois. Pourtant, la direction du centre n’a jamais pris de mesures appropriées. Ce constat de nouvelle infestation a donné lieu à un mouvement de révolte impressionnant. Les personnes détenues dans l’aile d’à côté, qui ont observé les faits depuis les fenêtres, décrivent un gros « pétage de câble » : les détenus auraient « tout cassé », le mobilier, les télévisions, les lits, … À tel point que cette aile ne serait actuellement plus fonctionnelle.
Durant la soirée, la police est intervenue en masse, avec plus de 20 camionnettes. Ensuite les détenus de l’aile concernée auraient tous été transféré en bus. Il semble que certains soient au mitard, et d’autres seraient au centre fermé de Bruges.
Aujourd’hui, en hommage à Mahmoud Farag Allah, réfugié palestinien qui s’est donné la mort le 7 octobre 2025, dans le centre de rétention où il était détenu, nous relayons ce texte écrit par nos camarades en belgique, réfugié•es palestinien•nes et leur soutiens arabes et internationalistes :
Initialement publié par Samidoun, le 08/10/2025.
« Hier, au matin du 7 octobre, un autre réfugié palestinien a décidé de se révolter, de dire NON et d’utiliser sa vie comme arme ultime, pour lutter contre l’injustice, l’inhumanité et toutes les tentatives coloniales visant à lui voler sa dignité, son droit à la liberté et à vivre dans l’égalité et la justice.
Il s’appelait Mahmoud. Il a été arrêté par la police belge il y a trois mois. Le jour de son arrestation, Mahmoud a reçu une nouvelle déchirante : sa mère est morte en martyre à Gaza, assiégée, victime du génocide ! La raison de sa détention : il est un réfugié ! Menacé d’expulsion vers la Grèce ! Pourquoi ? Seuls les politiciens européens, avec leur mentalité colonialiste, le savent : ce sont eux qui permettent à Israël de tuer notre peuple depuis 1948 !
La mort de Mahmoud n’est pas un signe de faiblesse. Nous voyons son martyre comme un acte de résistance, une protestation ultime contre toute violence d’État, le terrorisme d’État, le colonialisme et la suprématie blanche ! Il a simplement décidé de dire NON, d’utiliser sa belle âme et son dernier souffle comme une arme pour refuser la détention et l’emprisonnement, car Mahmoud et tous ses compatriotes, à Gaza ou ailleurs dans le monde, nous ont prouvé leur amour de la vie et de la liberté !
Le martyre de Mahmoud est un cri puissant dans nos esprits et nos cœurs pour nous rappeler que des milliers de réfugié•es, de prisonnier•es et de colonisé•es luttent pour notre liberté et notre libération collectives. Ce martyre est une nouvelle preuve du racisme et de la violence d’État, de la Belgique à l’État sioniste.
Dans le centre fermé où il s’est suicidé, des dizaines de réfugiés détenus crient à sa mémoire et restent coupés du monde, privés de toute possibilité de protester sans les mettre en danger, à cause de la répression des agents. Pour eux aussi, nous continuerons à nous battre.
Nous appelons chacun à manifester contre les centres de détention et pour la libération des prisonnier•es politiques en Palestine, en Belgique, en France, en Italie, au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Libérez Anas, Hussam, Fathi et Hamoudi, Anan et Ali, tous•tes les militant•es de Palestine Action, tous•tes les prisonnier•es politiques palestinien•nes et les prisonnier•es pour la Palestine !
Alors que nous protestons contre le colonialisme sioniste, nous continuerons de protester contre l’extrême droite en Belgique, responsable de la mort de Mahmoud et complice du génocide du peuple palestinien à Gaza.
Mahmoud est un autre Palestinien de Gaza, qui s’est élevé en martyr pour la vie, la liberté et la libération totale. Nous lui promettons de poursuivre le combat pour une Palestine libre, du Fleuve à la Mer, pour la libération et l’égalité.
Gloire à nos martyrs immortels
Jusqu’à la victoire »
En réponse à la détérioration des conditions de détention, Anas Siam, réfugié palestinien incarcéré dans le meme centre de rétention dans lequel Mahmoud s’est donné la mort, a annoncé qu’il entamait une grève de la faim.
Il écrit : « Je suis détenu depuis 34 jours parce que je défends ma cause palestinienne. » Anas entame sa grève de la faim en réponse à la mort d’un autre détenu palestinien dans un centre de rétention en Belgique, Mahmoud Farag Allah. Le 7 octobre 2025, Mahmoud a refusé de continuer à vivre en détention, exigeant de pouvoir vivre libre, hors du contrôle de l’État fasciste belge.
Cette action fait également écho aux arrestations de trois autres Palestiniens en Belgique – Ahmed, Mahmoud et Ali, qui ont été arrêtés la semaine dernière. Ils s’ajoutent aux quatre détenus connus – Hamouda, Fathi, Hussam et Anas.
Dans son dernier message avant de commencer sa grève de la faim, Anas déclare :
« Je me lance dans une grève de la faim parce que nous traversons vraiment des moments difficiles, moi et tous mes amis, et la police prendra mon téléphone car je vais entamer cette grève. J’espère que vous ne nous oublierez pas dans votre soutien. »
Alors qu’Anas met son corps et sa santé en jeu pour la libération de la Palestine et de ses camarades, il nous incombe de répondre à son appel. Alors que l’État belge et sa police cherchent à emprisonner le cœur du mouvement palestinien en Belgique, il nous revient de réagir. Il nous revient de clarifier que, peu importe combien ils tentent de nous intimider, combien d’entre nous ils arrêtent, combien ils forcent à abandonner notre lutte pour la vie, nous n’abandonnerons jamais la Palestine.
À mesure que le mouvement de solidarité gagne en force au sein du cœur impérialiste, la répression de l’État ne fait que croître. Tandis que ces Etats cherchent à emprisonner le mouvement de solidarité, les prisonniers qui refusent la soumission se multiplient.
Anas, Mahmoud, T. Hoxha, Casey Goonan, Malik Muhammad, Tarek Bazrouk, Anan Yaesh, les 11 100 prisonnier•es Palestinien•nes et celles et ceux qui restent inconnus derrière les barreaux, continuent de nous montrer la voie.
Par leur soutien infatigable à la lutte palestinienne pour la libération, par leur refus des tentatives de contrôle des États, par leur résistance indéfectible, ils restent notre boussole.