Traduction et mise en brochure de la déclaration de Marius Mason à l’occasion du 11 juin 2024, Journée internationale de solidarité avec Marius Mason et toustes les prisonnier*es anarchistes en longue peine. Publiée le 07/05/2024 sur le blog de June 11th. Inclus aussi toutes les indications pour lui envoyer des lettres !
Brochure formatée pour impression
Déclaration de Marius Mason pour le 11 juin 2024
Chèr*es famille et ami*es,
Je vous remercie de vous retrouver pour soutenir toustes les prisonnier*es anarchistes à que l’on continue de priver de leur liberté. Votre positivité et encouragements signifient tout pour moi, notamment cette année qui se termine. Maintenant que cela fait 16 ans que j’ai été séparé du monde libre, vos histoires et récits m’ont permis de me lier à des mouvements aussi différents que sauver les lieux publics en Géorgie ou en finir avec le génocide à Gaza.
Et aussi diverses qu’elles soient, ces luttes contiennent en elles la nécessité de changer notre système, au-delà de l’exploitation et du mépris, vers un système d’aide mutuelle et de respect ; d’abord pour notre planète, ensuite pour nos relations avec les animaux et plantes, et, de façon si importante, pour les un*es les autres. Bien que mon corps est toujours emprisonné, mon coeur est avec vous toustes. La lucha continua!
Pour moi, de nombreux changements ont eu lieu en prison cette année. En septembre de l’année dernière, j’ai été transféré à FMC Fort Worth au Texas. Il était ironique d’être à environ un mile d’où j’ai effectué tant d’années à FMC Carswell. C’est une petite étape dans l’acceptation de ma requête d’une transition médicale.
Cette année marquera les 11 ans depuis que j’ai fait mon coming out trans à Carswell, et ai officiellement demandé une chirurgie de réassignation de genre (SRS). A ce jour, cela fait 9 ans que je suis sous traitement hormonal de substitution (THS) et je n’ai rencontré qu’un seul docteur pour discuter des possibilités d’une procédure de SRS. J’en suis à ma troisième année en tant qu’homme dans une prison pour hommes, ayant passé plus de deux ans à FCI Danbury avant cette prison.
Les choses n’avancent que très peu, et cela est à la fois frustrant et inquiétant. La possibilité très réelle d’un retour en arrière sur les droits trans en général, et un refus total de droits trans en prison pèse sur la prochaine élection. J’ai été à deux doigts d’y accéder, et renvoyé en arrière une fois déjà, lorsque le gouvernement a changé.
Les conditions pour les personnes trans en prison sont souvent humiliantes, et peuvent être dangereuses. Les noms ont une importance pour tout le monde, mais, en prison, ils peuvent faire une différence entre dignité et dégradation, entre vie privée et notoriété. Le 2016 Transgender Prisoner Policy inclut la possibilité de changer son nom tout en étant emprisonné.
Ce nouveau nom légal peut être utilisé pour toute situation officielle, mais uniquement si le juge qui préside l’audience veut bien effectuer le changement. S’il ne le souhaite pas, que ce soit par préjudice ou par pure paresse, alors le droit n’est pas appliqué et le Bureau Fédéral des Prisons peut l’ignorer en toute impunité. Cela semble être un bug dans la loi, puisqu’il l’empêche d’être appliquée de la même façon à toustes les prisonnier*es.
Ne pas pouvoir utiliser mon nom légal sur les documents de la prison a mené à ce que les diplômes que j’ai obtenus en prison sont à un autre prénom, et que je vais devoir utiliser celui-ci pour obtenir un travail, et donc m’outer de force comme trans dans mon premier entretien. Le statut de trans n’est pas une catégorie protégée, ce qui pourra avoir un effet sur ma capacité à obtenir un travail, comme pour d’autres catégories dans une situation similaire.
Entendre son deadname chanté en sa direction par des inconnus à la cantine est super bizarre, tout comme être accosté anonymement pour du sexe (par une note, dans une autre prison) parce que le nom a déclenché quelque chose en quelqu’un est dégoûtant et bouleversant. Il y a un risque réel lorsque l’on est outé comme trans.
Un traitement pire encore est réservé aux jeunes personnes trans, et aux femmes trans en particulier. J’ai entendu des récits de l’expérience de personnes trans qui ont été intimidé*es physiquement pour cacher de la drogue ou de l’alcool, forcé*es d’effectuer des actes sexuels pour des spectateurs ou tabassé*es pour ces actes, ou d’échanger des faveurs sexuelles contre une sécurité ou de quoi cantiner.
C’est un cycle d’agression, et la punition du mitard et de l’isolation volent l’autonomie et le « bon temps » des femmes trans incarcérées. Ces expériences forment un bon argument en faveur de permettre aux femmes trans d’être des prison pour femmes pour leur sécurité (si elles le désirent), et que toutes les personnes trans puissent utiliser le nom légal qui les représente le mieux.
J’espère que ma communauté à l’extérieur me soutiendra dans ma quête constante d’accès aux soins. A 62 ans, j’ai déjà passé l’âge pour la procédure de phalloplastie que je voulais vraiment – mais je peux toujours obtenir une procédure plus simple. J’ai obtenu ces informations d’un docteur bienveillant et capable, et en lequel j’ai confiance.
Je ne veux pas «devenir trop âgé » pour pouvoir perdre accès à toute chirurgie – mais le temps passe. Rejoignez-moi et militez pour que toutes les personnes trans, incarcérées ou en liberté, jeunes ou âgées, puisse se réaliser et être traitées avec compassion et respect.
L’année prochaine, un monde meilleur !
Amour et solidarité,
Marius Mason