Traductions (à l’aide d’outils automatiques, malheureusement) de plusieurs retours sur le 22 septembre en Italie publiés sur des sites de contre-information. Pour une compilation des différents blocages, manifestations et actions de la journée, on peut lire l’article disponible ici.
Bloquons tout ! Ensemble, pour Gaza
Initialement publié sur Infoaut le 23/09/2025.
Il est difficile de s’exprimer sur la journée d’hier. Il y a mille choses, mille points de vue à partir desquels on peut considérer ce qui s’est passé.
Une première chose doit être dite : il s’agissait d’une grève générale. De façon effective. Une grève qui a impliqué une composition extrêmement hétérogène et transversale, dans laquelle les jeunes et les très jeunes ont joué un rôle central en contribuant à remplir les places publiques de toute la péninsule. Toutefois, de très nombreux travailleurs et travailleuses de tous les secteurs ont fait grève, ont fermé leurs entreprises, ont participé à des manifestations et à des initiatives. Une grève générale qui ressemblait à un potentiel mouvement populaire.
Il s’agissait d’une grève généralisée, avec plus d’une centaine de places occupées dans toute l’Italie, dans les provinces et les banlieues comme dans les grandes villes et les métropoles.
Il s’agissait une grève politique. Il faut rendre hommage aux dockers du CALP qui ont réussi à transformer la lutte contre le trafic d’armes dans les ports en un mouvement général d’opposition à la guerre et au génocide. Il faut rendre hommage aux syndicats de base, à l’Usb, au Cub, au Sgb, à l’Adl et au SI Cobas, qui ont su dépasser les obstacles. Ils ont compris l’urgence du moment et ont parié sur la possibilité que quelque chose d’étonnant puisse se produire. Nous avons l’habitude de penser que la recomposition ne peut se faire que sur le terrain des besoins, mais cette vision est approximative et risque de déboucher sur du classisme. La forte adhésion à la grève, l’énorme participation dans les rues montrent que les gens ont bien conscience de ce qui se passe à Gaza et sont capables d’en comprendre les effets directs et indirects sur leur propre existence. Ils comprennent ce qui est en jeu. Ils comprennent subtilement que le régime génocidaire d’Israël fait partie d’un système général et global d’inégalités, de violence et de souffrance qui touche la vie de tous et de toutes. Il arrive donc parfois que la recomposition passe par la politique, la critique systémique, la nécessité d’agir comme on le peut pour ne pas être complice de ce que produit le système social dans lequel nous sommes contraint-e-s de vivre.
Il s’agissait d’une grève courageuse. Face à ces chiffres impressionnants et à la composition transversale du mouvement, les mesures préventives de répression prises par le gouvernement n’ont servi à rien. Un million de personnes ont bloqué avec détermination, sans crainte, sans hésitation. Ports, routes, autoroutes, chemins de fer, tout a été bloqué, non pas par un groupe de manifestants épars, mais par d’énormes manifestations. Et là où les forces de l’ordre ont tenté d’empêcher les blocages, les cortèges ne se sont pas dispersés, n’ont pas reculé, ont tenté d’atteindre leur objectif mètre par mètre. D’ailleurs, tout le monde connaissait le mot d’ordre : bloquons tout. Une pratique partagée, répandue, efficace, capable de briser les rituels qui caractérisent les mobilisations sociales, capable de peser et d’avoir un impact. Peser et avoir un impact, compter, justement. C’est ce qui a été clair dès le début pour celles et ceux qui sont descendu-e-s dans la rue : il ne s’agissait pas simplement de témoigner de leur dégoût pour ce qui se passe à Gaza, mais de compter, de construire un rapport de force qui obligerait le gouvernement à assumer ses responsabilités dans le génocide du peuple palestinien. À voir l’embarras et la nervosité qui ont marqué la communication du gouvernement, le message est clairement passé.
Il s’agissait d’une journée incroyable, capable de briser le voile de désillusion et de découragement qui avait caractérisé ces dernières années. Il s’agissait d’une journée au service de tous et toutes, où chacun et chacune ont donné ce qu’ils et elles avaient pour en assurer le succès, dans un grand élan de générosité collective, sans penser aux intérêts de l’organisation, du parti ou de la boutique. Ceux qui l’ont fait, comme la CGIL de Landini, sont restés à la traîne, à l’écart. C’est une leçon : nous n’avons pas besoin de la direction d’une gauche et d’un syndicat de moins en moins enracinés au niveau social et de moins en moins capables de répondre aux questions venant de la base. Nous avons besoin de quelque chose de nouveau, quelque chose qui peut lentement émerger de moments comme ceux-ci.
Il s’agissait donc une journée de protagonisme social, une journée où les quartiers populaires, les personnes afrodescendantes, le prolétariat urbain racialisé qui voit dans le drapeau palestinien un symbole international des exploités et exploitées et des opprimés et opprimées ont également trouvé leur expression. Une génération qui mûrit sa propre identité politique autonome, pas à pas.
Tout cela a été le cas, mais surtout, cela peut être le déclencheur d’un processus collectif, d’un mouvement populaire et social de masse, une occasion de s’organiser et d’avancer côte à côte dans la lutte. La question est maintenant de savoir comment donner de la tenue, de la durée, de la continuité à cette mobilisation qui a dépassé toutes les attentes, qui a dépassé les capacités et les espoirs des structures du mouvement. De quels outils devons-nous nous doter collectivement pour que cela ne reste pas un événement ponctuel, mais devienne un processus ? Il est certainement nécessaire de se donner des moments de discussion pratique, des assemblées permanentes, des lieux où retravailler ce qui s’est passé hier et relancer le mouvement. L’exemple des étudiants et étudiantes de l’université La Sapienza de Rome qui ont occupé la faculté de lettres peut être une source d’inspiration. Le piquet permanent au port de Livourne en est un autre exemple. Mais nous ne devons pas nous limiter aux grandes villes, aux villes universitaires, nous devons réfléchir à de nouvelles façons d’être ensemble pour construire une continuité politique. Il faut créer des espaces traversables pour l’activation et la participation où cette nouvelle identité collective, l’équipage terrestre de la Global Sumud Flotilla, puisse mettre en œuvre toute son intelligence collective. Pour élargir et généraliser davantage le processus, pour construire une perspective commune de lutte. Les écoles, les universités, les rassemblements permanents dans les ports et les quartiers populaires peuvent devenir les lieux matériels où ce mouvement social peut prendre forme et s’étendre encore davantage. C’est le moment de relever ce défi !
Il s’agit d’une tâche historique et collective qui concerne tout le monde, sans distinction. Hier, nous avons vu que l’espoir d’un changement prend la forme concrète de centaines de milliers de personnes ordinaires qui choisissent de ne plus accepter la situation actuelle.
La première étape consiste à refuser les divisions entre les bon-ne-s et les mauvais-e-s manifestant-e-s que la politique institutionnelle et la presse générale tentent d’imposer avec leur refrain sur la mise en scène occulte, les infiltré-e-s, la majorité pacifique et la minorité rebelle. La journée d’hier a été incroyable, notamment en raison de la grande responsabilité collective qui l’a caractérisée, une responsabilité qui ne consiste pas à refuser le conflit social, mais à en prendre soin. Après les affrontements à la gare de Milan, le cortège ne s’est pas dispersé malgré les tirs continus de gaz lacrymogènes, mais est resté dans la rue jusqu’au soir. Sur le périphérique de Bologne ou sur les places de Brescia, les manifestants et manifestantes ont pris soin de celles et ceux qui avaient été touché-e-s par les gaz lacrymogènes ou les coups de matraque. Les automobilistes coincé-e-s dans les embouteillages romains ont applaudi le cortège qui passait. Des signes d’une puissance de masse sans précédent ces derniers temps. Nous exprimons toute notre solidarité aux personnes arrêtées hier, et nous nous engageons à lutter collectivement pour leur libération.
En attendant, nous restons attentif-ve-s à la Global Sumud Flotilla, prêt-e-s à tout bloquer… encore une fois !
Impressions de septembre
Initialement publié sur il Rovescio, le 25/09/2025.
La journée du 22 septembre a été une bouffée d’air frais importante, comme si le bouchon avait enfin sauté. Nous n’avions aucun doute sur le fait que ce serait la Palestine et non la politique intérieure qui relancerait la colère sociale. Par exemple, le mouvement « bloquons tout pour Gaza » a défié le décret sur la sécurité plus que ne l’ont fait jusqu’à présent les manifestations organisées contre ce décret spécifiquement. Le cycle historique de guerre dans lequel nous sommes entrés place les vies et donc les initiatives de lutte sur un plan nécessairement international, dont le front interne est le reflet. Si les idées divergent souvent, il y a quelque chose d’universel dans les sentiments. Il était palpable que la colère contre le génocide était en hausse : la grève générale lui a donné l’occasion de s’exprimer. Ce sentiment s’est traduit par une participation massive, notamment grâce à la légitimation partielle et opportuniste – sur le plan humanitaire – des médias et du monde culturel, grâce à l’engagement suscité par la Global Sumud Flotilla.
Le pont entre le soutien à distance et la participation directe aux blocages a été établi grâce aux dockers de Gênes. Ce sont leurs déclarations – et l’histoire dont iels sont issu-es – qui ont ébranlé la récupération politico-humanitaire-spectaculaire opérée sur la Flottille et transformé une grève en un véritable mouvement. Une écrivaine palestinienne a bien résumé la situation en parlant d’une flottille pour les retardataires. Mais si parmi ces derniers se trouvent des milliers de jeunes et de très jeunes, ce retard peut prendre la dimension d’un nouveau départ. Il s’agit donc de pousser la marée le plus loin possible, en saisissant pleinement la fracture qui s’est ouverte (et qui ne restera peut-être pas ouverte longtemps).
De ce point de vue, l’évaluation du 22 septembre change si on l’observe d’un point de vue social ou si on se concentre sur les groupes qui ont maintenu une initiative constante aux côtés de la résistance palestinienne au cours de ces deux dernières années. Les initiatives les plus significatives à nos yeux ont été les blocages des ports, car ils ont combiné précision stratégique et participation massive – c’est par là que transitent les fournitures militaires destinées au système génocidaire israélien, c’est là que s’organise la logistique de guerre –, tandis que les autres blocages ont été plus génériques. Face à un génocide, tout doit être arrêté : c’est une indication importante, ressentie et facilement reproductible, même dans les petites réalités. Mais à cela s’ajoute la capacité de frapper plus précisément la machine des collaborations (usines, centres de recherche, banques, assurances, entreprises). L’absence d’un tel ajout dénote un certain retard des groupes les plus organisés, auxquels la grève du 22 septembre a fourni une occasion largement manquée. Si « l’état d’agitation permanente » continue, comme il semble le faie, à créer des moments de rencontre et de rupture, il est nécessaire de savoir donner les noms et adresses de ceux qui s’enrichissent grâce à l’extermination du peuple palestinien. En associant au « bloquons tout » (qui permet une participation plus large) le « détruisons la machine mondiale du génocide ». Si même une rapporteuse de l’ONU parle d’« économie du génocide », il s’agit d’en tirer les conclusions pratiques. Si « le génocide continue parce qu’il est rentable », la solidarité internationale avec la résistance palestinienne doit le transformer en une très mauvaise affaire pour le business.
