Initialement publié sur Getting the Voice Out, le 23/11/2024.
Aujourd’hui, ce dimanche 24 novembre 2024, en cette journée de mobilisation contre les violences faites aux femmes* et aux minorités de genre, un groupe de militant·es s’est rassemblé devant le centre fermé pour femmes de Holsbeek (dans la région de Louvain). Cette action avait pour objectif d’exprimer de la solidarité envers les femmes enfermées dans le centre, et dénoncer les violences qu’elles subissent quotidiennement dans leurs démarches administratives, dans leur situation d’enfermement et dans leur parcours migratoire.
Ouvert en 2019, le centre pour femmes de Holsbeek est le premier centre fermé pour femmes seules en situation de séjour dit « illégal », dans l’attente de leur expulsion par l’Office des étrangers vers leur « pays d’origine ». Doté d’une cinquantaine de places, le centre compte actuellement plus d’une vingtaine de femmes enfermées. Il est aussi important de rappeler que d’autres femmes sont également incarcérées dans des ailes spéciales des centres fermés de Bruges et de Caricole.
Les personnes qui se sont rendues à Holsbeek aujourd’hui ont pu entrer en contact direct avec les détenues, qui étaient ensemble dans le réfectoire pour l’heure de midi. Le groupe a lancé des messages de soutien et de courage, et les femmes enfermées ont pu partager quelques éléments comme leurs noms, leurs histoires et leurs situations. Elles sont enfermées depuis des durées diverses, parfois une dizaine de mois. Certaines d’entre elles sont enceintes, d’autres dans des états de santé critiques.
Nous partageons le communiqué de presse publié par le groupe organisateur du rassemblement :
Ce dimanche 24 novembre, plusieurs dizaines de militant·es se sont réuni·es devant le centre fermé pour femmes de Holsbeek, près de Louvain. Alors que des milliers de personnes défilaient dans les rues de Bruxelles pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles, les militant·es présent·es souhaitent exprimer leur solidarité aux femmes détenues et dénoncer les politiques racistes de détention et d’expulsion.
Les militant·es tiennent aussi à marquer, par cette action, les liens qui existent entre les violences exercées à l’égard des femmes et des personnes LGBTQIA+, et les violences engendrées par les politiques migratoires et l’enfermement. En effet, les réalités des femmes détenues sont trop souvent absentes du champ des revendications féministes. Ces dernières cumulent pourtant de nombreuses oppressions.
Les violences de genre avant, pendant et après le parcours d’exil sont nombreuses : mariage forcé, mutilations, viols, prostitution forcée, persécutions en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, violences administratives, violences policières, … Et ces violences ne s’arrêtent pas aux portes de l’Europe. Par les choix politiques de non-accueil, de détention et d’expulsion des personnes privées de papiers, l’État belge maintient les personnes concernées dans une position de vulnérabilité et de précarité.
L’enfermement, que ce soit en centre fermé ou en prison, affecte psychologiquement et physiquement, tant les personnes détenues que leurs proches. Les expulsions quant à elles sont intrinsèquement violentes, mais la brutalité de celles-ci est amplifiée par le système institutionnel qui les accompagne. Ainsi, les témoignages de violences policières et de violences sexistes voire parfois sexuelles sont presque systématiques. En témoignent les paroles d’une ex-détenue du centre fermé d’Holsbeek : « Il y a des violences policières à l’aéroport, des femmes étouffées, des femmes à qui on arrache le voile, parce qu’elles sont musulmanes, des femmes à qui on arrache leur soutien, parce qu’elles sont femmes, et on les étouffe, on s’assoit sur leur tête et leur nuque, c’est pas normal ! ».
Le centre fermé de Holsbeek a été inauguré en 2019, dans le cadre d’un masterplan visant à accroître considérablement la capacité de détention de l’État belge. Il existe actuellement six centres fermés sur le territoire. Deux autres projets de construction sont toujours à l’ordre du jour : l’un à Jumet (près de Charleroi), et l’autre à Zandvliet (près d’Anvers).
Si les personnes détenues résistent à leur manière depuis l’intérieur, des collectifs de personnes sans-papiers se mobilisent aussi à l’extérieur. Le Comité des femmes sans-papiers lutte pour la régularisation et la visibilisation de leurs situations :
« Les violences faites aux femmes sont parfois les causes de la migration des femmes. Le parcours migratoire est aussi jonché de violences. En croyant être protégées en Belgique, les femmes se retrouvent sans-papiers, vulnérables et donc exposées à toutes sortes de violences et abus. En Belgique, les violences faites aux femmes sans-papiers sont méconnues du public. Elles sont dans la plupart des cas d’ordre institutionnelles, familiales, conjugales, psychologiques, physiques, … Alors que le 25 novembre de chaque année, l’humanité entière dénonce les violences faites aux femmes, celles vécues par les femmes sans-papiers restent méconnues, donc, personne n’en parle. »
D’après les manifestant·es présent·es à Holsbeek ce dimanche, qui revendiquent la liberté de circulation et d’installation pour tous et toutes, la détention des personnes privées de papiers doit cesser : « Le système de détention reproduit des logiques coloniales et racistes de hiérarchisation entre les êtres humains, de tri entre celles et ceux qui auraient les “bons” papiers ».
Liberté pour tou*tes !